Plaidoyer pour les profs !

On en entend des vertes et des pas mûres sur les professeurs des écoles et du secondaire. Pêle-mêle, ce sont les vacances trop nombreuses qui sont dénoncées, ou encore les méthodes pédagogiques qui ne vont pas et que l’on change tous les quatre matins. Bref, l’école va mal, et de l’avis général, les instituteurs et les professeurs seraient les principaux fossoyeurs de la décadence de l’éducation nationale.

prof-vacancesÉvacuons très rapidement la question des vacances. Non, les professeurs ne sont pas des fainéants de fonctionnaires. Bien sûr, les individus tenant ce genre de discours tout fait ne se sont jamais retrouvés devant une classe avec la mission de transmettre la connaissance à tous, ou tout du moins au plus grand nombre. La réponse classique est que les profs ne sont devant leur classe qu’entre 15 et 18 heures par semaine. C’est occulter que les deux-tiers du travail n’est pas ici mentionné. Parce qu’entre les préparations de cours, l’organisation quasi-militaire pour être prêt, les heures de préparation d’évaluations et leurs corrections, c’est tout un pan du métier d’enseignant qui passe sous les radars des gens-qui-ont-des-avis-sur-tout-et-en-toute-circonstance. Ne mentionnons même pas les enseignants prenant la responsabilité d’organiser des voyages d’études, car dès lors, le travail d’organisation, les rencontres avec les parents, tout cela devient titanesque. La question des mutations est également à mentionner. Tous les enseignants ne font pas que se marier et avoir des enfants pour avoir plus de points pour se retrouver dans une bonne ville et proche du lieu d’habitation.

Il suffit de regarder la population des enseignants qui officient dans les écoles et les collèges academic-fatigue-5-ways-to-avoid-itde campagne. Dans leur immense majorité, ce sont des personnes venant de capitales régionales. La route devient très vite une lassitude quotidienne. Quitte à choquer les intéressants, les enseignants constituent au même titre que beaucoup d’autres, cette fameuse « France qui se lève tôt ». Il est extrêmement facile de chiffrer le nombre d’heures que les enseignants passent sur la route chaque semaine. Ils grimpent facilement à cinq ou six heures de trajets hebdomadaires. Heures qui ne seront évidemment pas dédiées à la préparation des cours. Ajoutons que les professeurs sont généralement payés au lance-pierre et que l’essence coûte relativement chère. Donc de ce côté, il est aisé de comprendre que les enseignants ne sont pas nécessairement dans des conditions optimales pour transmettre le savoir. Ils sont humains et beaucoup de gens semblent, ou veulent, l’oublier.

Mais alors, quel peut bien être le problème de cette éducation nationale qui semble partir à vau-l’eau ? Dans un premier temps, il faut noter que se généralisent les traitements particuliers d’élèves. Dans des classes surchargées, nous nous retrouvons avec des élèves nécessitant une attention accrue. Des élèves dont on vous dit qu’ils ne doivent pas trop écrire, et qui, par conséquent, ne prennent pas les cours. Sans occupation réelle, c’est la porte ouverte à la désorganisation du travail de la classe. Cela développe des problèmes de concentration, puisqu’il n’y a peu ou pas de sollicitation. Cela rajoute de nouveaux problèmes à des soucis préexistants. Bavardages, remontrances et punitions sont autant de choses qui font perdre du temps sur l’avancement du cours. Mais s’il n’y avait qu’une seule raison, il serait facile de remédier au problème. Premièrement, il faut affirmer haut et fort que les enseignants n’ont plus ou peu de pouvoir. Nous entendons tout le temps parler de liberté pédagogique mais soyons sérieux. Elle n’existe pratiquement plus. Un des soucis que les enseignants peuvent rencontrer, c’est que tout l’environnement éducatif est à l’image de la société. L’individualisme est roi. Les décisions prises par les enseignants sont systématiquement contredites par les parents et quelques fois par l’administration, qui débordée, n’a pas nécessairement le temps de se payer le luxe de subir les courroux de parents fâchés. En 2015, iparents-et-profsl devient normal par exemple de ne pas mettre de zéro lorsqu’un travail demandé n’est pas rendu après trois semaines de négociation avec les élèves pour qu’ils le rendent. Et lorsque le couperet légitime tombe, ce sont des lettres et des mots d’insultes que l’on doit consulter dans les carnets, ou carrément dans son casier. Cela commence à bien faire, et les enseignants ne le supportent plus. C’est la même chose lorsque des élèves doivent faire un exposé oral, mais que l’enseignant doit noter à l’écrit parce que ces petits princes ne veulent pas parler. Ceux-là même qui sont prompts à passer leur scolarité à rigoler et à discuter en cours…

Pour un certain nombre de parents, leurs petits chérubins ne sont que des victimes de professeurs aigris qui veulent martyriser les élèves. Allons bon chers parents, il se peut tout aussi bien que votre gamin soit tout simplement en-deçà (et largement !) du niveau exigé, et qu’il ne comprenne rien à rien. C’est moche mais cela arrive. Autre problème que nous pouvons constater lorsque nous sommes devant la classe : les enfants ne sont pas opérationnels pour travailler. Les raisons sont nombreuses : l’utilisation de tablettes, de smartphone, de la télévision, de jeux vidéo (ils jouent à GTA V ou à Call of Duty à 11 ans ! Allez voir les vidéos, ça vaut le détour) en soirée et même la nuit. Que les choses soient claires une bonne fois pour toute : le professeur n’est pas présent dans la chambre des élèves. La responsabilité est exclusivement parentale, et ne pas le dire est une hypocrisie sans nom. Pour rappel, je vous invite à aller consulter les conférences de Michel Desmurget, neuroscientifique à l’INSERM, sur les effets de la télévision chez les enfants et vous comprendrez pourquoi nous nous retrouvons avec des « mous du bulbe » en classe !

Alors de deux choses l’une, arrêtons avec les traitements particuliers et expulsons purement et simplement les parents des structures éducatives. L’école, c’est l’émancipation. Comment dès lors, pouvons-nous arracher les élèves à leurs conditions, à leur éducation, aux inégalités socioculturelles, si toutes les cinq minutes les parents viennent faire la loi en classe ?

Régalons-nous de ce qui pouvait se dire à la convention le 29 juillet 1793, sous la voix de Maximilien Robespierre. Il a défendu notamment trois articles de lois que je trouve absolument d’actualité. Notons quand même que l’éducation obligatoire jusqu’à 18 ans serait plus à propos en 2015 :

- Art. I. Tous les enfants seront élevés aux dépens de la République, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à douze pour les garçons, et depuis cinq ans jusqu’à onze pour les filles.

Art. II. L’éducation nationale sera égale pour tous ; tous recevront même nourriture, mêmes vêtements, même instruction, mêmes soins.

- Art. III. L’éducation nationale étant la dette de la République envers tous, tous les enfants ont droit de la recevoir, et les parents ne pourront se soustraire à l’obligation de les faire jouir de ses avantages. [...].

Soustrayons enfin les élèves de l’influence parentale, il en va d’une plus grande efficacité dans la transmission des savoirs !

Arnaud Guvenatam

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