Loi Macron : le Bazooka de Judas

Nous entendons parler à longueur de journée de la loi Macron comme étant une « disposition législative relative à la libération de la croissance ». Penser une seule emmanuel-macron_5020192seconde qu’une majorité de gauche ait été élue pour faire cela aux salariés est une bien mauvaise plaisanterie. Le débat se concentre sur des questions centrales au niveau de l’organisation du travail. Au premier rang de cela, les dimanches travaillés qui seront multipliés. Pierre Joxe, figure de la gauche française, pointe le fait que cela ne profitera exclusivement qu’aux grosses firmes du commerce. La conséquence immédiate étant caractérisée par une concurrence déloyale avec le commerce de proximité. Tout cela est entendu et ne souffre d’aucune contestation. Mais finalement, ce n’est pas forcément sur ce point de la loi que l’indignation qui nous anime se cristallise. Nous allons expliquer pourquoi il était couru d’avance que le Parti Socialiste, et plus particulièrement sa branche minoritaire au pouvoir, allait se vautrer dans ce qui est une attaque en règle contre les fondamentaux républicains. Comme dirait l’autre, au pays des aveugles, les borgnes sont rois. Ajoutons qu’il est une nouvelle fois pénible de dire que nous avions raison, à gauche.

 Revenons à des considérations basiques sur l’évolution du droit du travail. Il est clair que les conquis sociaux ont été arrachés par les luttes sociales. C’est d’ailleurs cela qui a fait céder Clémenceau sur un certain nombre de mesures sociales qu’il a été obligé de prendre, par peur d’un débordement radical de défense des travailleurs. Comment est organisée la République ? D’un certain point de vue, elle est vue comme très centralisée, et jacobine. Cela n’est pas faux, mais cette caractéristique a toujours été combattue et d’autant plus aujourd’hui. Pour autant, la gauche a longtemps été la représentante de cette tradition organisationnelle du fait politique. Pas par dogmatisme, mais par une certaine vision de classe. Celle qui affirme que face aux forces de l’argent et aux détenteurs de capitaux, les salariés et les collectifs de salariés se retrouvent bien faibles dans le cadre d’une initiation d’un rapport de force sur une revendication sociale. Sans faire de considérations ronflantes, cette analyse très matérialiste du rapport de force ne peut avoir une certaine consistance que dans un cas. Un état fort et centralisé, et la primauté de la loi sur le contrat. Pourquoi cela est vrai ? Il suffit simplement de faire des comparaisons avec des pays ayant une organisation inversée de celle de la République française. L’Angleterre est un parfait exemple de ce à quoi mène le lcontrats-0-heureaisser aller du privé sur le contrat. Il s’agit de mettre en concurrence tout le monde contre chacun, de telle sorte que les employés se retrouvent avec des contrats 0 heure. Il est corvéable à merci, et s’il manifeste un désaccord avec l’employeur, il est immédiatement viré. Voilà la conséquence d’avilissement de l’humain par le contrat. Nous pourrions décliner l’exemple allemand avec les mêmes considérations. Les lois Artz 4 ont enfin porté leurs fruits. La fédération a mangé son pain blanc et maintenant, elle doit faire face à l’explosion sociale et la pauvreté généralisée des travailleurs. D’un point de vue philosophique, il est extrêmement clair que ce type d’organisation ne peut coller avec la vision que nous nous faisons des valeurs républicaines que nous défendons.

Nous disions en introduction que Hollande et son gouvernement ne pouvaient surprendre que les aveugles avec la loi Macron. Sans vouloir donner de leçons aux camarades socialistes avec lesquels nous avons eus de vifs échanges depuis 2011, nous devons affirmer un certain nombre de choses et revenir sur ce que le candidat PS de l’époque a dit. Pas de mauvaise foi de notre part, juste l’illustration que ce que nous disions à l’époque avait du sens. Lorsque nous disions que Hollande était un « social-démocrate », (nous disions cela pour ne pas dire « libéral », pour ne pas trop braquer les camarades), on nous répondait que c’était un héritier de Mitterrand, qu’il s’inscrivait dans la lignée de Jaurès. Bref, nous avions droit au catéchisme qui n’a qu’une fonction : nier la réalité. Citer le propos de Hollande Hollande ConfPRpermettait déjà de dire que cet individu s’attaquerait aux fondamentaux historiques républicains par l’explosion du droit du travail. Nous vous livrons son propos, daté du 14 juin 2011 : « Il s’agirait désormais de reconnaître un domaine à cette même négociation collective, en précisant son périmètre comme son champ d’intervention, et en conditionnant la conclusion d’accords au respect des règles majoritaires. Concrètement, le gouvernement et le Parlement seraient juridiquement liés par le contenu de conventions signées entre partenaires sociaux sur des sujets bien précis et avec la vérification des mécanismes de représentativité.». Voilà l’illustration, dans une vulgate obscure que lors de son arrivée au pouvoir, il ferait en sorte que la hiérarchie des normes soit inversée. Plus clairement, que dorénavant le contrat et la négociation entre syndicats et patronat aura une valeur supérieure à la loi.

Le voilà, le baiser de Judas du pouvoir élu par la gauche. Ni plus, ni moins. Passez muscade ! Et la loi Macon, qui sera à n’en pas douter adoptée par les parlementaires permettra de porter un coup poignard immense à l’organisation historique du travail en France. C’est une honte. Et le pire n’est pas encore arrivé, il n’y aura même pas débat sur la question. Que la 2013-03-18-pierre-joxegauche puisse proposer ce type de mesures est proprement scandaleux, mais admettons… Mais qu’il fasse passer cela sans même avoir un débat sur la question illustre à quel point ce pouvoir ne représente que lui. C’est-à-dire rien, ni personne ! Mais nous affirmons que ces mesures seront adoptées sans débat, il faut le démontrer. Prenons l’exemple du délit d’entrave. C’est Pierre Joxe, membre du PS qui l’explique très bien : « Le délit d’entrave, c’est empêcher les délégués syndicaux ou les représentants du personnel de remplir leurs missions. C’est un délit du droit pénal du travail. Eh bien, l’article 85 de ce projet de loi Macron prévoit que par ordonnances (donc, en évitant le débat public) le gouvernement pourrait réviser la nature et le montant des peines applicables en cas de délit d’entrave. C’est-à-dire qu’on envisage de revoir cela alors que ni la loi d’amnistie de 1981 (celle de Mitterrand), ni la loi d’amnistie de la droite en 1995, ni la loi d’amnistie de 2002, n’a porté atteinte à cette règle un peu mythique mais qui consiste à dire que si un employeur viole la loi et fait entrave, il peut être condamné au pénal… ». Voilà par exemple ce qu’il y a de plus insupportable dans ce gouvernement. L’idée que maintenant l’impunité patronale serait une norme avec laquelle les syndicats et les salariés devront composer. Le désengagement de l’état, et le caractère absolument anti-républicain de cet article, et de ceux visant à faciliter les licenciements collectifs illustre bien la pensée Hollandaise pré-présidentielle. Avec le droit du travail, c’est la République que l’on abat.

 Sans faire du pessimisme exacerbé, il semblera compliqué de populariser chez les citoyens ce point d’achoppement par lequel le gouvernement nous assassine. Les gens, de bonne foi, ont des fins de mois difficiles, et acceptent finalement l’idée, qu’ils iront travailler le dimanche parce que ça fera un sac de commissions supplémentaire pour manger. Voilà où nous en sommes réduits. Alors maintenant que faire ? Les marches nationales ne marchent pas, les assemblées citoyennes sont très disparates selon les endroits, l’éducation populaire est un totem dont on ne sait jamais trop comment mettre en avant et la paralysie du débat autour de la montée du FN empêche quelque élévation du débat public que ce soit. Alors quoi ? Attendre d’être broyé, d’être dans une situation à la grecque ? Peut-être que ce sera le déclencheur, mais en attendant, nous allons souffrir…

 

Arnaud Guvenatam

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