Charlie Hebdo – Plaidoyer Républicain https://plaidoyer-republicain.fr Wed, 03 Jan 2018 11:02:43 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.3 56743480 Interview : « Remettre la République partout «  https://plaidoyer-republicain.fr/interview-remettre-la-republique-partout/ https://plaidoyer-republicain.fr/interview-remettre-la-republique-partout/#respond Sat, 07 Mar 2015 12:34:07 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=814 ...lire la suite ]]> Interview de Vincent Gautronneau parue dans le Bien Public du 7 mars 2015.

 Il est à l’origine de la première marche citoyenne du 7 janvier, qui a rassemblé près de 5 000 personnes. Trois jours plus tard, Alexandre Emorine organisait la marche historique du 11 janvier.

Vincent Gautronneau : Alexandre Emorine, qu’est-ce qui vous pousse, avec Clément Toulouse, à organiser un rassemblement le soir même du 7 janvier, place Darcy à Dijon ?

Alexandre Emorine : « Ce qui nous pousse, c’est l’émotion. On ne se rendait pas encore vraiment compte de l’ampleur de l’événement, mais on a senti que c’était quelque chose d’exceptionnel. Nous nous sommes sentis citoyens, et nous nous sommes dit que nous ne devions pas être les seuls. Les 5 000 personnes présentes ont montré que ce sentiment était partagé. Nous, on voulait que le choc puisse s’exprimer. Il fallait un canal pour ce choc .On a évoqué l’idée d’un rassemblement Et cela a très vite pris sur les réseaux sociaux. Mais on ne s’attendait pas à une telle mobilisation le soir même.»

VG : Ce soir-là, le mouvement est réellement venu des citoyens et non des habituels partis politiques ou syndicats…

AE : « La notion de mouvement citoyen était vraiment importante. Ce 7 janvier, c’est la République qui était attaquée sur l’un de ses piliers : la liberté d’expression. Tout le monde devait réagir, pas un parti, pas un syndicat. Dans la foule, ce soir-là, il y avait tout l’arc politique. Dire “Je suis Charlie”, c’est dire “Je suis humain”. »

VG : Lors de la marche du dimanche 11 janvier, qui a rassemblé plus de 35 000 personnes, les citoyens étaient-ils encore en tête de cortège ?

AE : « On est resté sur la même volonté citoyenne. Car en plus des journalistes, on a eu des policiers touchés, une attaque antisémite…Le champ des victimes s’élargissait. Quand on a vu tous les débats sur l’exclusion ou non d’un parti, la présence ou non de tel ou tel chef d’État, on s’est dit qu’on ne pouvait pas être dans cette ligne, associé à une volonté politique. Il fallait batailler pour que les citoyens soient en tête, car quand la République est touchée, ce sont les citoyens qui doivent la défendre. Les élus ont d’ailleurs très bien joué le jeu. »

VG : Un peu plus de 50 jours plus tard, que reste-t-il de ce mouvement du 11 janvier ?

AE : « L’émotion est retombée, c’est normal, mais j’ai peur que ses effets bénéfiques aient déjà disparu. C’est comme si le fleuve était sorti de ses berges et qu’on était aujourd’hui dans une décrue de l’esprit de liberté. On sent de la suspicion partout, ce qui n’existait pas le 11 janvier. Le sentiment de repli semble prendre le dessus. Trois jours après le 11 janvier, lors de la sortie de Charlie Hebdo, on a vu que l’état de grâce que j’espérais sur ces questions de liberté d’expression, de droit à l’impertinence, était déjà terminé. Très vite, les réflexes de chapelle, politiques ou religieux, sont revenus, et dès le mercredi, des gens sont montés au créneau contre cette Une de Charlie Hebdo

VG : Et maintenant, donc ? Comment peut-on faire survivre cet esprit du 11 janvier ?

AE : « Si on avait des solutions miracles, ça se saurait. Je pense que cela passe par les citoyens, mais cela ne doit pas venir que d’eux. La solution passe aussi par un climat plus sain, mais le cadre général n’y incite pas. Sans déblocage institutionnel, on n’y arrivera pas. Les citoyens et institutions doivent réussir à converger, sans pour autant oublier les différences d’idées politiques, de religions.»

VG : Les religions, d’ailleurs. Depuis le début de cette série, dans nos colonnes, les autorités religieuses ont mis en avant leur conception de République, qui doit intégrer les religions. Vous n’êtes clairement pas sur la même position.

AE : « Quand j’entends des religieux affirmer que leur religion est compatible avec la République, je bondis. La religion, toutes les religions, sont compatibles avec la démocratie, oui. Mais la République, qui ne doit pas ignorer le fait religieux, a un devoir de neutralité. Je refuse, en tant que citoyen, républicain, laïc, avec des convictions spirituelles ou non, que la loi soit dictée par le fait religieux, car cela n’est pas partagé par tous les Français, pas voté par les citoyens. »

VG : La République doit-elle réaffirmer la notion de laïcité, quitte à heurter certains de ses citoyens ?

AE : « La République ne doit pas promouvoir encore plus la laïcité, elle doit la protéger. De nouvelles lois ne sont pas utiles, il existe déjà une loi, celle de 1905. La laïcité, c’est ce qui garantit la liberté d’expression, la liberté de culte, aussi. Elle permet que personne ne soit inquiété pour ses croyances. Si des gens se sentent heurtés par la laïcité, c’est qu’elle est parfois décrite comme combattant les religions. Pas du tout. La laïcité, c’est ce qui permet la liberté totale de la spiritualité. Si demain les religions étaient associées à l’État, les croyants d’autres religions seraient de fait exclus et discriminés, et c’est la même chose pour les athées et les agnostiques. Toutes les options spirituelles se valent, mais la République ne reconnaît que des citoyens. »

VG : Certains, comme ces Français qui partent faire le djihad en Syrie, semblent malgré tout trouver, dans la religion, une sorte de salut ?

AE : « Si des jeunes se sont radicalisés, c’est par défaut de République, qui n’est plus partout. Quand on ferme, dans certains quartiers, dans des villages ruraux, tous les services publics, la République n’est plus là. Et où la République ne va pas, ce sont les extrêmes qui s’engouffrent. Quand des gens ont la sensation que la République les a abandonnés, tous les extrémismes en profitent. Les politiques en sont totalement responsables car ils ont abandonné certains territoires depuis plus de 40ans.»

VG : La solution vient donc, selon vous, de l’État et de la République.

AE : « On doit remettre la République partout, c’est la priorité. Ensuite, dans le cas de ces personnes qui vont combattre en Syrie, il faut aussi une répression pour que le cadre républicain soit respecté. La République doit savoir se protéger, comme elle l’a fait, symboliquement, le 11 janvier. »

Le Plaidoyer Républicain

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Théories du complot : conséquences socio-politiques. https://plaidoyer-republicain.fr/theories-du-complot-consequences-socio-politiques/ https://plaidoyer-republicain.fr/theories-du-complot-consequences-socio-politiques/#respond Thu, 22 Jan 2015 09:34:42 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=784 ...lire la suite ]]> Une fois n’est pas coutume, je vais retourner à mes premières amours : la recherche scientifique. Il s’agira ici de faire un commentaire d’article paru en 2014 titré « The social consequences of conspiracism: Exposure to conspiracy theories decreases the intention to engage in politics and to reduce one’s carbon footprint ». Il s’agira d’appréhender les conséquences sociales et politiques des théories du complot. De nombreuses théories sont très développées actuellement et de nombreuses études se sont penchées sur ces cas. La recherche scientifique est très documentée sur le sujet et de nombreuses conclusions ont d’ailleurs été tirées sur le sujet. Nous pouvons par exemple observer une quantité non-négligeable d’effets associés aux croyances complotistes. Des attitudes négatives à l’égard des droits de l’homme et des libertés civiles ainsi que des attitudes racistes ont été montrées (Swami et al. 2012). Une théorie extrêmement répandue suppose que le contrôle des naissances et le SIDA représentent une forme de génocide contre les afro-américains (Bird & Bogart, 2003). La littérature montre par exemple, que l'approbationcomplot de cette théorie chez les afro-américains est associée à des attitudes négatives vis-à-vis des comportements de contraception, ayant des conséquences négatives sur la prévention des maladies et infections sexuellement transmissibles (Bogart & Thorbun, 2006). Nous pourrions étendre cette énumération à l’envi mais le but de cet article n’est pas de constituer un catalogue bibliographique.

L’étude que je me propose de vulgariser porte sur deux croyances très répandues. La mort de Lady Diana et le changement climatique. Nous allons au travers de ces deux études comprendre les conséquences sociales et politiques sur les personnes étant convaincues par les théories du complot. Par souci de méthode et de compréhension du lecteur, je vais présenter succinctement la première étude et ses résultats. Dans un second temps je présenterai de la même façon l’étude menée sur le changement climatique et présenter ses résultats. Ensuite, nous traiterons de façon plus générale, à l’aune de tous ces résultats des conséquences sociales et politiques des croyances complotistes.

Dans la première étude, il s’agira de proposer un argumentaire complotiste et un autre le réfutant. Dans le premier, il est sous-entendu et dit que le gouvernement anglais porte une responsabilité dans la mort de Diana. Le second reprend les mêmes arguments en disculpant le gouvernement anglais.

 

Texte complotiste :

« Pour prendre l'exemple de la mort de la princesse Diana, ce n’est pas un secret que le gouvernement britannique était mécontent de l’implication de la princesse Diana avec Dodi Fayed et aussi son implication croissante dans la politique ... il faut donc s’interroger sur le fait que sa mort était simplement un accident tragique ... »

 Texte non-complotiste

« Pour prendre l'exemple de la mort de la princesse Diana, ce n’est pas un secret que la popularité de la princesse Diana a mis quelques membres du gouvernement mal à l'aise. Cependant, il n’existe aucune preuve amenant à penser que le gouvernement britannique ait été impliqué dans sa mort ... Sa mort était simplement un accident tragique ... »

 Il est important de noter que les mots « théories du complot » n’apparaissent dans aucun des deux articles proposés pour ne pas prêter à confusion. Premier résultat et non des moindres, les personnes ayant été exposées à la version complotiste sont significativement plus nombreuses à y croire que celles ayant été exposées à la version non-complotiste. La manipulation a été couronnée de succès. Second résultat très important, les personnes croyant à la théorie du complot montrent que leurs intentions politiques sont influencées négativement, notamment dans la volonté de s’engager, par rapport aux individus ne croyant pas aux complots. De plus, les tenants du complot ont montré un sentiment fort de désillusion et d’impuissance face au gouvernement, ce qui n’est pas le cas des non-croyants. En conséquence, il n’est pas illogique d’observer dans le monde que le vote et les autres formes d’engagements politiques ont tendance à être influencés négativement par les théories du complot (Swami & Coles, 2010).

Dans la deuxième étude, les scientifiques ont cherché à comprendre la relation entre les théories complotistes sur le changement climatique et leurs conséquences directes sur les individus au niveau de l’emprunte carbone. Des précédentes études ont par exemple montré le lien entre théories sur le changement climatique et le sentiment d’impuissance (Aitken, Chapman & McClure, 2011), l’incertitude (Hine & Gifford, 1996) et la méfiance (MacGregor, Slovic, Mason & Detweiler, 1994). Dans notre étude, deux textes ont été proposés avec la même méthodologie que dans la première expérience sur la mort de Lady Diana. Une version Hoax niant le changement climatique, et un texte réfutant les arguments du premier texte.

 Texte complotiste :

 « En outre, l'idée du réchauffement climatique ne représente que peu de poids. Une preuve indépendante montre que depuis 1940, les températures moyennes mondiales ont chuté pendant quatre décennies. Cela représente une lacune importante dans le compte rendu officiel ... »

 Texte non-complotiste :

« En outre, la preuve du réchauffement climatique est robuste. Une preuve indépendante montre que les deux dernières décennies du 20e siècle ont été les plus chaudes de ces 400 dernières années .... De nombreuses découvertes significatives sont supportées dans ce compte rendu officiel »

 Aucun des deux textes ne mentionne la « théorie du complot ». Là encore, les personnes ayant été exposées à la version complotistes sont significativement plus nombreuses à y croire que les personnes ayant été exposées la version non-complotiste. La manipulation est donc couronnée de succès. Autre résultat intéressant, les tenants du complot ont des intentions d’engagements plus faibles que les non-croyants. Cela touche également l’engagement politique dans cette cause. La première conclusion de cette étude climatique est que les tenants de la théorie du complot ont été atteints fortement par cette théorie, et montrent une faible volonté à diminuer leur emprunte carbone et à s’engager politiquement pour la cause climatique. Là encore, les mêmes mécanismes sont à l’œuvre : le sentiment d’impuissance, l’incertitude sur le sujet et la désillusion. Quoi qu’il en soit, les théories du complot ont des conséquences sociales terribles sur l’engagement politique et le sentiment de pouvoir changer les choses. En effet, puisque tout nous serait caché, nous avons le sentiment de ne pas pouvoir influencer quoi que ce soit. La conséquence directe est donc de ne plus s’intéresser au sujet, ou en tout cas de ne plus montrer de volonté de s’engager, de voter et in fine de s’exprimer. Ces résultats doivent nous alerter sur les changements politiques à venir en France.

Je sors maintenant de la sphère strictement scientifique pour tenter d’apporter une analyse politique à partir de tous ces résultats. Sans tomber dans le catastrophisme, les complotistes engagés comme le sont Alain Soral, Dieudonné et tout leur réseau n’ont qu’un objectif : amener le vote Marine Le Pen. Mis à part la cohorte de gens qui ne votent plus car « ça ne sert à rien », il reste toujours une frange d’individus ne se privant pas d’exprimer leur point de vue. Cela peut peut-être expliquer pourquoi Marine Le Pen est la personne qui mobilise le plus sont électorat. Concrètement, son électorat n’augmente pas, mais il recule moins vite que ceux des autres formations politiques françaises. C’est comme cela que nous devons supporter un FN à 25% en tête des européennes avec seulement 9% du total des personnes en capacité de voter. Lorsque l’on voit par exemple qu’un jeune sur cinq, soit 20%, croient que les attentats contre « Charlie Hebdo » relèvent du complot (le père Le Pen ne dit pas autre chose) et que l’on regarde l’abstention chez les jeunes, il apparait clairement que l’avenir s’assombrit encore davantage.

Au-delà du constat catastrophique qu’il y a à faire du point de vue des conséquences socio-politiques des théories du complot, il nous faut trouver une solution positiviste qui permette à tous les sans-voix de retrouver confiance en eux-mêmes et en leur capacité de changer les choses. Nous, militants formés, savons que d’autres politiques sont possibles, mais comment les convaincre que cela est vrai ? Pouvons-nous simplement nous contenter de dire qu’il faut changer les règles des institutions et que les citoyens seront partie prenante du processus ? Une image me vient en tête au sujet des abstentionnistes et des jeunes : la terre en jachère. Elle peut-être fertile, mais encore faut-il la labourer et la semer. Mis à part le travail de fond, au plus près, dans les associations, avec un débouché politique clair, rien ne semble pouvoir ralentir ce fléau de l’impuissance politique. Puisqu’il faut partir du réel, soyons clairs. Il y a de graves problèmes de répartition de la richesse, de bas salaires et de précarité. La République et notre modèle de notre vivre-ensemble sont sans cesse attaqués au travers des aspects de laïcité. La confessionnalisation et la communautarisation de la société est une réponse directe de ces états de faits. Les associations et les organisations politiques de gauche ont donc une immense responsabilité dans les réponses qui forgeront l’avenir de notre société. Ou l’on défend fermement les aspects socio-économiques et le modèle de vivre-ensemble, ou nous continuons à être tributaire des turpitudes d’alliances électoralistes qui ennuient tous les citoyens. Notre responsabilité est de savoir si nous lançons la machine républicaine à gagner ou la machine électoraliste à perdre. Mais cela ne tient qu’à nous.

Arnaud Guvenatam

 

Bibliographie :

Aitken, C., Chapman, R., & McClure, J. (2011), Climate change, powerlessness and the commons dilemma: Assessing New Zealanders’ preparedness to act. Global Environmental Change, 21 (2), 752-760.

 Bird, S.T. & Bogart, L.M. (2003). Birth control conspiracy beliefs, perceived discrimination, and contraception among African Americans. Journal of Health Psychology, 8, 263–276.

Bogart, L.M. & Thorburn, S.T. (2006). Relationship of African Americans’ socio demographic characteristics to belief in conspiracies about HIV/AIDS and birth control. Journal of the National Medical Association, 98, 1144–1150.

Hine, D. W., & Gifford, R. (1996). Individual restraint and group efficiency in commons dilemmas: The effects of two types of environmental uncertainty. Journal of Applied Social Psychology, 26, 993-1009.

MacGregor, D., Slovic, P., Mason, R. G., & Detweiler, J. (1994). Perceived risks of radioactive waste transport through Oregon: Results of a statewide survey. Risk Analysis, 14, 5-14

Swami, V., & Coles, R. (2010). The truth is out there: Belief in conspiracy theories. The Psychologist, 23, 560-563.

Swami, V., Nader, I. W., Pietschnig, J., Stieger, S., Tran, U., and Voracek, M. (2012). Personality and individual difference correlates of attitudes toward human rights and civil liberties. Personality and Individual Differences, 53, 443-447.

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Confessionnalisation et communautarisme : vite la Laïcité ! https://plaidoyer-republicain.fr/confessionnalisation-et-communautarisme-vite-la-laicite/ https://plaidoyer-republicain.fr/confessionnalisation-et-communautarisme-vite-la-laicite/#comments Mon, 19 Jan 2015 16:23:01 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=777 ...lire la suite ]]> Depuis maintenant un certain nombre d’années, les intégristes de tout poil testent et s’attaquent aux valeurs républicaines. Le paroxysme a bien évidemment été atteint lorsque des criminels se sont attaqués à un phare de la liberté d’expression et de conscience : Charlie Hebdo. Cela a été dit mille fois, mais la réaction citoyenne a été formidable dans tout le pays. Suite à claicitéela, des énergumènes se sont sentis la légitimité d’attaquer des lieux de cultes musulmans, ont montré leur islamophobie. Pensant certainement que dans cette période trouble, ces attaques seraient mieux acceptées, voire encouragées ? Ces évènements, aussi importants soient-ils, ne doivent pas avoir pour conséquence de mettre un certain nombre de problèmes sous le tapis. Celui du rapport à la laïcité dans notre pays en est un. Laïcité que nous avons déjà traitée ici et ici.D’aucun pourrait penser que cet article s’adresse aux musulmans de France, mais il va falloir être très clair. Je refuse catégoriquement de parler de musulmans français, ou de français musulmans. Au même titre que je ne m’exprime jamais sur les catholiques ou les juifs. Il s’agit ici de souligner l’élément minimal qui réunit toutes ces personnes. D’abord, leur appartenance au genre humain, et ensuite, leur citoyenneté. Pourquoi je fais ce choix ? Il ne s’agit en aucun cas de réfuter la différence, mais au contraire de mettre en avant ce qui nous rassemble. Nous en avons cruellement besoin. Dès lors, il s’agira de s’attaquer à des individus ou des structures qui prospèrent sur la division, même sous couvert d’humanisme. S’attaquer dans les mots et dans la raison, et non dans la passion. Car là encore, beaucoup devraient adopter la méthode de la prise de recul et de la raison dépassionnée. Cette méthode nous amène donc tous collectivement à se retrouver derrière la bannière de la République. Avec la laïcité comme étendard.

La laïcité est la réponse indépassable de l’organisation de la société et du vivre ensemble. Or, force est de constater qu’opère en France une grande confusion sur l’essence même de la laïcité. Partout où elle existe, elle est attaquée violemment. En France, par l’assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo. Nous ne sommes malheureusement pas les seuls touchés : les-pages-du-journal-turc-cumhuriyet-le-14-janvier-2015_5187621regardons aussi ce qu’il se passe en Turquie par exemple. Un journal, Cumhuriyet, a été le seul à publier les bonnes feuilles de Charlie Hebdo. Pour le lecteur, je veux quand même illustrer ce que signifie Cumhuriyet en français : République. La laïcité à la turque a été inspirée par la loi française de 1905, avec ces spécificités. Dès l’arrivée au pouvoir d’Erdogan en 2003, c’est la première chose – avec l’école – qui a été attaquée. Maintenant, il ne reste plus que ce média, qui se voit menacé par des intégristes, pour porter haut et fort l’étendard de la liberté de conscience et de culte. Parce que la laïcité, c’est bien cela, une disposition législative inclusive par essence. C’est là que ceux qui la décrivent autrement se trompent.

De nombreux français ont oublié ce qu’était la laïcité. Ils confondent tout et son contraire. Notamment en considérant que le blasphème est un délit. Et qu’au nom de la liberté d’expression, il faudrait ne plus représenter ce que l’on veut dans ce pays. Cet obscurantisme avance de plus en plus et le communautarisme se répand comme une trainée de poudre. Comme a pu le dire Jean-Luc Mélenchon depuis des années maintenant, le communautarisme est une stratégie politique. Si elle rencontre un tel succès, c’est bien que ce qui représentait la force publique, les services publics et les valeurs républicaines reculent à mesure que le temps passe sur tout le territoire. Cela reprend un vieux mécanisme : la nature a horreur du vide !

 Lorsque l’on parle de communautarisme, il faut bien évidemment dénoncer un certain nombre de prêcheurs de toutes confessions qui radicalisent les fidèles à dessein. Des solutions peuvent être trouvées, mais les modèles ne sont pas transposables. Longtemps en Turquie, le culte, ses rites et ses prêches étaient strictement encadrés par l’état. Je vais le détailler car cela montre que la Turquie n’est pas laïque au sens strict de la séparation de l’église et de l’état, mais qu’il s’agit carrément d’une mise sous tutelle du fait religieux. Cette structure s’appelle le « Diyanet işleri », comprenez, la Présidence des Affaires Religieuses. Elle a été crée en 1924 ataturk-3par Mustapha Kemal Atatürk. Elle a quelques missions relativement simples : en conformité avec le principe de laïcité, en restant neutre à tous les points de vue et idées politiques, en visant la solidarité et la cohésion nationale. En conséquence, elle doit s’occuper des activités liées aux croyances de la religion de l'Islam, d'éclairer la société sur la religion (le culte et la morale de l'Islam) et de gérer les lieux de culte. Évidemment, cela n’est pas envisageable en France puisque la République ne finance et ne reconnait aucun culte. Il ne faut pas faire cela, mais c’est seulement pour illustrer que si l’on souhaite prendre des dispositions, un peu d’inventivité permettrait de transmettre les valeurs républicaines. Mais il n’y a pas que les instances religieuses de toutes confessions qui peuvent mener à une communautarisation des citoyens. Certaines associations sont malgré elles dans cette vaine. Lorsque des associations n’agissent qu’en défense de communautés, elles ne comprennent pas que leur combat, basé sur une volonté d’égalité entre tous, ne fait que renforcer le communautarisme. J’entends de ces associations qu’il faut bien apporter une réponse à un climat raciste qui existe en France. Évidemment, qui peut nier que les actes racistes se multiplient ? Mais je veux juste attirer leur attention sur le fait que lorsque que les sociétés sont communautarisées à l’extrême, le racisme se généralise. D’un certain point de vue, on pourrait considérer que certaines associations alimentent un cercle vicieux. Cela est regrettable mais celles-ci étant de bonne foi, une discussion raisonnée et argumentée ne serait pas un mal nécessaire. Elle ferait partie de la solution, à condition que chacun soit au clair sur les caractéristiques même du concept de laïcité.

 N’ayons pas peur des mots, il y a un grand changement de perception chez nos concitoyens, un certain nombre d’entre eux en arrivent d’abord à se définir d’après leur croyances avant leur appartenance à la communauté nationale. Communauté nationale qui représente le ligand minimum de ce qui nous rassemble tous et qui s’est formidablement exprimé lors des manifestations du 11 janvier. Les croyants, de toutes confessions, comme les non-croyants, doivent absolument comprendre que sans la laïcité, on retourne à la guerre civile, frontale ou larvée que nous avons connue durant des siècles. La laïcité est la principale alliée des croyants, puisque c’est l’assurance pour eux de pouvoir vivre et exercer leurs cultes. Dès lors que ces rites et croyances ne sont pas amenés sur le terrain du débat politique. La politique, c’est le débat argumenté, il n’y a par conséquence aucune possibilité que la vérité révélée, appartenant à certains et pas à d’autre ne soit une force reconnue et admise du débat public. D’ailleurs, pour la majorité des gens qui n’ont ni Dieu ni église, c’est extrêmement exclusif de voir une montée des religions dans le débat public. Ils sont par essence exclus de toute discussion. La laïcité est par conséquent la seule disposition qui nous permet de tous discuter ensemble, et à égalité. C’est une particularité française, et A-Lampedusa-le-pape-Francois-fustige-l-indifference_article_popinl’Europe devrait bien prendre ce chemin pour déconfessionnaliser la politique. Le pape par exemple s’engouffre formidablement dans le débat en défendant des positions cléricales et anti-laïques en déclarant que l’«on ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision ». C’est l’alliance des cultes qui est en train de manifester. La dernière fois que nous avons vu ce phénomène, c’est lors des manifestations contre le mariage pour tous. Le combat est rude, et dès lors qu’il s’agit d’ouvrir de nouveaux droits aux citoyens, nous constatons bien où sont les progressistes et où sont les réactionnaires de la pensée.

Maintenant soyons clairs, à ceux qui considèrent que Charlie va trop loin en représentant une nouvelle fois le prophète en Une et que ce serait une provocation, nous leur disons que si nous nous interdisons volontairement de dire ce que l’on souhaite, c’est donner raison aux criminels. La rédaction a été décimée pour ce droit à la liberté. Donc oui aux caricatures de tous les cultes, de tous les politiques, de toute la société ! Le stylo est notre arme, mais aussi notre pensée. Et cela, rien ni personne ne nous l’enlèvera, à condition que nous soyons intransigeants sur les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité.

 

Arnaud Guvenatam

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Charlie Hebdo : à Dijon, une initiative citoyenne https://plaidoyer-republicain.fr/charlie-hebdo-a-dijon-une-initiative-citoyenne/ https://plaidoyer-republicain.fr/charlie-hebdo-a-dijon-une-initiative-citoyenne/#comments Tue, 13 Jan 2015 16:37:50 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=754 ...lire la suite ]]> Dijon a connu une mobilisation sans précédent lors de la manifestation du 11 janvier 2015. Nous parlons de 35 à 50 000 participants. Au total, deux marches citoyennes ont eu lieu. La première, réaction immédiate et émue, au soir de la terreur générée par l'inhumanité qu'a subit la rédaction de « Charlie Hebdo » avait réuni entre 3000 et 5000 personnes. Clairement il fût démontré qu'elle était spontanée et d’initiative citoyenne: « Plus de trois mille personnes en tout, qui avaient répondu à l’invitation lancée sur les réseaux sociaux mercredi après-midi. ». Au reste, la seule prise de parole qui a eu lieu lors du premier rassemblement était citoyenne. Nous vous invitons d'ailleurs à voir le reportage photos de Bertrand Chambarlhac traitant de cet évènement spontané.

Entre temps, nous avons suivi avec horreur les prises d’otages des frères Kouachi et de Coulibaly. Et forcément, la nature même des évènements a changé. Partout en France, le peuple s’est levé. Et Dijon n’a pas fait exception, puisque les 35000 à 50000 personnes ont répondu présent pour défendre les valeurs de la République. Cependant, nous tenons quand même à dire que l’évènement a là encore été à l’initiative des citoyens et ce via un "évènement citoyen Facebook". La page affichant plus de 6200 inscrits. A lire un certain nombre de commentaires, là aussi il a été formellement montré par les citoyens leur farouche volonté de ne pas être récupérés. Tous sans exception étaient profondément engagés dans la marche. Nous pensons que leur propos a été respecté, du moins du côté de l'organisation citoyenne de la marche.  Certains se posaient la question de venir ou non et ont bravé leurs peurs, ont pris leur courage à deux mains pour se rendre à la manifestation. Il faut les saluer.

L'appel Facebook à l'origine de la seconde manifestation citoyenne

 

La déclaration de manifestation datée du 9 janvier a été envoyée par le Plaidoyer Républicain, par l’intermédiaire de son président. Il est à noter que la structure associative est plus aisée pour déclarer une manifestation qu’un individu seul. Mais la volonté qui a été la nôtre était de to

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