L’Aïd, Noël et Kippour contre la République Laïque

Nombreuses furent les attaques contre la laïcité ces dernières années : promotions des « racines judéo-chrétienne » de la France, tolérance envers les prières de rue chrétiennes où musulmanes où que sais-je encore.

LaïcitéL'une des dernières attaques en date, qui est le cœur de cet article, est la proposition faite par la voix de Dounia Bouzar le 22 septembre 2013. Celle-ci, ancienne membre du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman, crée par l'anti-laïcard Sarkozy) est aujourd'hui membre de l'Observatoire de la Laïcité, présidé par Jean-Louis Bianco.

Quelle est donc sa fameuse proposition, vous demandez-vous ? Il ne s'agit ni plus ni moins que de remplacer deux fêtes chrétiennes (des jours fériés) par la Fête de l'Aïd et Yom Kippour. Bien entendu, tout ceci dans le but communautariste de donner à nos citoyens croyants un panel de fêtes dans lequel ils pourraient mieux s'identifier, se retrouver. Nous n'allons pas, au Plaidoyer Républicain, hurler avec la meute, celle des chrétiens intégristes (comme le très homophobe abbé Grosjean), refusant que l'on touche à leur Graal calendaire. Nous sommes notre propre meute, celle des laïques intransigeants.

D'où peut bien venir cette idée que, pour favoriser l'intégration et le vivre-ensemble (les objectifs de cet Observatoire de la Laïcité), il faut impérativement utiliser le fait religieux, la croyance des citoyen(ne)s ? Ne serait-il pas préférable pour atteindre ces objectifs de privilégier une politique culturelle, sociale et économique qui refuse la concurrence du tous contre tous, amenant sur le devant de la scène la coopération, quelles que soient ses croyances où ses origines ? Mais ceci est encore un autre débat, qui fera probablement l'objet d'une note particulière.

Revenons-en aux faits : si nous suivions l'avis de cette dame, anthropologue de son état, qu'adviendrait-il de nos compatriotes bouddhistes ? Les Hindouïstes ne se sentiraient-ils pas, à leur tour, mis à l'écart ? Les Shintoïstes n'ont-ils pas le droit, eux aussi, à leur petit moment de joie, au plaisir de se retrouver pour célébrer, en famille ou entre amis, le culte de leurs « anciens » ? Enfin, les agnostiques où les athées seront-ils, à terme, automatiquement rejetés de tout calendrier ?

Ces quelques exemples montrent bien l'engrenage dans lequel irait la République si la proposition de Mme Bouzar était validée, acceptée et légiférée. Chez nous, nous ne connaissons pas de catégories confessionnelles : nous ne connaissons que des citoyens à part entière, égaux devant la loi et devant le temps.

Cette question du temps peut paraître anodine, et pourtant elle est importante. Vouloir remplacer les fêtes d'une confession particulière par celles d'autres cultes, c'est valider le fait que toute notre temporalité, celle de la Nation toute entière, ne peut-être que majoritairement religieuse. Certains diront, à juste titre, que tel est déjà le cas. Que le 15 août (l'Assomption) est férié, ainsi que Noël où encore la Pentecôte. C'est vrai, c'est un fait.

La question est plutôt de savoir si les républicains sincères et intransigeants peuvent et doivent valider la religiosité du temps. Pour nous, la réponse est claire : c'est un grand NON. Parce que la République doit être partout, elle doit également se réapproprier le temps, son temps. Je rappellerais tout simplement que le 6 octobre 1793, soit le 15 vendémiaire de l'an II de la Ière République, entra en vigueur en France le calendrier républicain. Fini la temporalité judéo-chrétienne, place à la temporalité républicaine, française et nationale.

Ainsi, et parce que la proposition vaut mieux que la dénonciation pure et simple, il serait grand temps de modifier en profondeur notre calendrier. Ce serait enfin faire œuvre d'esprit laïque et républicain en France. Revenir au calendrier républicain, qui nous placerait aujourd'hui non pas en 2013 mais en l'an 221 ? Bien que l'idée puisse être séduisante pour certains, elle est trop déroutante pour l'immense majorité de la population (dont je fais partie). Par contre, et c'est sur ce terrain que nous devons nous battre au quotidien, il serait symboliquement fort de désacraliser les jours fériés renvoyant à une fête religieuse, en les remplaçant par des fêtes républicaines. L'avantage en serait multiple : évitant toute mise à l'écart de certains de nos citoyens, il permettrait de se retrouver autour de notre bien-commun, notre régime républicain. Ce serait une mesure qui, si elle ne doit pas être prise isolément, marquerait la volonté du souverain (donc du peuple) de s'approprier le temps dans son entièreté.

Noël pourrait ainsi devenir la Fête de la Raison, retrouvant ses véritables origines païennes (on fêtait dans nombre de sociétés pré-chrétiennes la Fête du solstice d'hiver).

Ainsi, l’Assomption – décalée du 15 au 4 du même mois – pourrait devenir la Fête de l'abolition des privilèges, pendant que le lundi de Pentecôte serait transformée en Fête de la Constitution (la date actuelle fluctuant entre mai et juin de chaque année, nous pourrions la fixer au 24 juin, date de la proclamation de la Constitution de 1793 … Au hasard bien sûr !).

Le jeudi de l'Ascension serait, quand à lui, supprimé au profit d'une « Fête de la République » chaque 22 septembre.

Quand au lundi de Pâques, pourquoi ne pas le transformer en Fête de la Laïcité ? À vous de compléter cette liste, qui n'est en rien définitive et fermée.

Ainsi, les fêtes religieuses qui émaillent notre calendrier perdraient leur caractère exclusif, n'étant l'expression publique que d'une frange toujours moins nombreuse de la population. En restructurant notre calendrier (sans toucher aux fêtes civiles du 14 Juillet, 1er Mai, 8 Mai où encore 11 Novembre), nous pourrions tous ensemble célébrer, en gardant cet esprit de fête et de repos que nous méritons tous, ce qui nous rassemble : la République.

Alexandre Emorine

4 pensées sur “L’Aïd, Noël et Kippour contre la République Laïque

  1. Christiane galland

    Je suis bien d'accord avec cet article. Mais c'est pas demain la veillle que nous serons à supprimer les fêtes religieuses par des fêtes laîques avec les pingouins qui nous gouvernent !!!

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  2. Kam

    Si je suis d'accord sur le fait que dans un système laïc, les jours fériés religieux posent problème, néanmoins, je me demande si les remplacer par des "fêtes  de la République" ne signifie pas purement et simplement remplacer les religions théologiques par une « religion civile », c'est à dire par un nouveau système de croyance, certes humain et temporel, mais dans une certaine mesure tout aussi dogmatique.
    Plutôt que de ne reconnaître aucune religion - c'est le type de laïcité que vous proposez - pourquoi ne pas les reconnaître toutes ? Je suis tout à fait d'accord sur le fait de substituer les jours fériés catholiques par une semaine supplémentaire de congés payés, mais il est aussi possible d'aller bien plus loin. On peut ainsi proposer qu'un certain nombre de jours de congés soient réservés aux fêtes confessionnelles, sans que les employeurs puissent s'y opposer. Ainsi, chacun-e, quelle que soit sa confession, disposerait de manière individuelle de « jours de congés religieux », sans que pour autant, la vie publique ne s'arrête ce jour là. Pas de panique pour les athé-e-s, les agnostiques, les laïcs qui ne souhaitent pas célébrer de fête religieuse, le but n'est pas de les pénaliser, ils pourraient eux aussi disposer du même nombre de jours à poser quand bon leur semble, sans que l'employeur puisse leur refuser ce jour précis. Ça ne complexifierait pas tant que ça les choses, puisqu'on fait déjà la différence dans le monde du travail entre CP et RTT, il suffirait de créer une troisième catégorie.

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    1. Plaidoyer Républicain

      Auteur de l'article

      Bonjour . Pour vous repondre rapidement (je prendrai plus le temps ce soir) , reconnaitre toutes les religions est une boucle sans fin. D'autant que si demain j'invente une religion je voudrais les.memes droits que les autres. La suite ce soir !

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