Sciences – Plaidoyer Républicain https://plaidoyer-republicain.fr Wed, 03 Jan 2018 11:02:43 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.3 56743480 Fermez vos gueules, Morano et Collard ! https://plaidoyer-republicain.fr/fermez-vos-gueules-morano-et-collard/ https://plaidoyer-republicain.fr/fermez-vos-gueules-morano-et-collard/#comments Tue, 29 Sep 2015 16:34:35 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=935 ...lire la suite ]]> nadine_morano_comtesseLes propos de Nadine Morano chez Ruquier ont eu le mérite de faire un buzz incroyable. En 2015, il apparaissait compliqué de voir le retour du bon vieux racisme bas de plafond. Une expression cristalline de la bêtise humaine. Elle a ainsi déclaré que « nous sommes un pays judéo-chrétien – le général de Gaulle le disait –, de race blanche, qui accueille des personnes étrangères. J’ai envie que la France reste la France. Je n’ai pas envie que la France devienne musulmane ».

Il y a tellement de choses à dire à propos de ces déclarations. Dans la tête de Nadine Morano, il semblerait que la France ne soit caractérisée que par la religion des citoyens constituant le peuple. Pourtant en 2015, voilà plutôt le tableau des croyances religieuses en France. La France est dans la moyenne de sa région, avec 40% de croyants, 35% de non-croyants, 18% d’athées convaincus et 7% d’indécis. En d’autres termes, la France de Nadine Morano n’est constituée que de 40% du peuple, à supposer que ces croyants ne soient pas musulmans. Pour les 60% qui restent, ils n’existent donc pas aux yeux de Madame Morano. Si l’on étend le « raisonnement » de Madame Morano, il existe bel et bien un risque que la France devienne musulmane, et valide donc le concept fumeux de théorie du grand remplacement. Cette théorie rance consistant à dire que des hordes de barbares Moranoislamiques remplaceront les blancs en Europe… Au passage, associer l’accueil de personnes étrangères à la religion musulmane est une bêtise puisque l’essentiel des personnes étant accueillies en France proviennent d’Europe. De plus, être musulman ne signifie pas que la personne soit arabe ou qu’elle soit de nationalité musulmane (provenant de Musulmanie, probablement (sic) ). Nadine patauge dans les excréments de la droite la plus réactionnaire et raciste. Tête de liste aux élections régionales et à la primaire des « républicains », Nadine semble prête à tout pour glaner quelques voix supplémentaires.

Sérieusement tancée par la presque totalité de l’échiquier politique, Nadine, contre la bien-pensance (re-sic) persiste et signe. Elle se dit victime d’un "lynchage médiatique" et avance ce qu’elle considère comme des arguments : « On parle bien d’Afrique noire et cela ne choque personne ». Ou encore « que les bien-pensants ne nous parlent plus de racisme, puisque selon eux les races n’existent pas ». Ô tristesse… Il ne s’agit pas d’une question de bien-pensance. Nadine, tu « penses » mal, tu es ignorante. On pourrait aller jusqu’à dire que tes propos illustrent l’absence de pensée. De deux choses l’une, ce n’est pas selon les bien-pensants que les races n’existent pas, c’est un fait scientifique. Deuxièmement, nous continuons de parler de racisme car des gens comme Nadine Morano catégorisent les populations humaines selon des critères morphologiques qui n’ont absolument aucune valeur de tri entre les individus. Interrogeons donc ce que la génétique des populations a à dire sur le sujet des prétendues races humaines afin d’éclairer la lanterne de Nadine Morano. André Langaney, anthropologue et généticien des populations se base sur des considérations scientifiques pour étayer son propos :

si l'on pénètre plus avant dans la réalité, les groupes sanguins par exemple, ou les gènes, on s'aperçoit qu'il est impossible de constituer des groupes qui aient une apparence extérieure commune, comme il est impossible à partir d'une réalité géographique donnée de repérer des gènes spécifiques. Des populations qui ont vécu isolées les unes des autres depuis des dizaines de milliers d'années possèdent à peu de nuances près le même capital génétique.

Si l’on se penche maintenant sur la mise en évidence d’une race blanche chère à Nadine Morano, voilà ce que la génétique est en mesure de dire :

Scientifiquement, on n'a pas mis en évidence des caractères « raciaux » qui soient génétiquement repérables. Quel que soit le système génétique étudié, on n'a jamais pu isoler de phénomènes qui soient présents à la fois chez tous les Noirs et absents chez tous les Blancs, etc. Il n'y a pas, montrent aujourd'hui les biologistes, de marqueur génétique de la race

Par conséquent, Nadine Morano n’est capable de penser que dans un registre de classification des êtres humains, qui ne relève que du pur racisme bas de plafond et beauf.

Tous les gens que l'on range par exemple dans la catégorie « à peau noire » n'ont pas les mêmes gènes. Certains Africains seront plus proches des Européens que les Mélanésiens, les Indiens seront encore plus proches des Européens et beaucoup moins que les Asiatiques, etc. On peut toujours classer. C'est arbitraire. Les gènes, eux, n'ont pas de race. C'est une idée difficile à admettre tant elle est contraire à notre habitude de décrire nos semblables par des caractères approximatifs et apparents. C'est dire si certains préjugés sont tenaces 

Compte tenu de ce que la science a permis de mettre en évidence, et, eu égard au fait que cela soit relativement simple à comprendre, il apparait qu’il est inadmissible pour des responsables politiques de se laisser aller à la tenue de tels propos. Morano n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle nous avait déjà gratifié d’un : « Me faire passer pour quelqu'un qui serait raciste, alors que j'ai des amis qui sont justement Arabes, et dont ma meilleure amie qui est Tchadienne, donc plus noire qu'une Arabe, je trouve ça choquant ». Ayant du mal à trouver des arguments basés sur la raison, elle s’était sortie de cette mauvaise passe par un : « Je ne donne plus d'interview pendant quelque temps. Je pars en vacances m'occuper de ma famille ». Comme dirait François Morel, « Nadine Morano, ferme ta gueule ! »

collardC’était bien évidemment sans compter sur le fait que le FN, par le biais de Gilbert Collard, allait réagir aux propos de Morano. Outre le fait que le député frontiste qualifie Laurent Ruquier de « furoncle médiatique », c’est bien évidemment sa prise de position raciste qui fait enfler la polémique. « Historiquement, la France n’est pas un pays de race noire, pas plus que l'Afrique, historiquement n'est pas un pays (sic) de race blanche. Là encore, c’est hallucinant de voir qu’on ne peut pas dire que la France est historiquement un pays de race blanche qui a eu des rois chrétiens, qui a été construit par le judéo-christianisme ». Les critiques émises plus haut à l’encontre de Morano sont les mêmes qui s’appliquent à Collard. Avec une même conclusion : Ferme ta gueule Gilbert. A ce degré de bêtise, personne ne croira que les propos tenus relèvent du lapsus, de la mauvaise interprétation. Morano les a répétés au moins trois fois pendant l’émission de Ruquier, ce n’est donc pas un hasard. Ces propos ont très certainement valeur de test pour savoir s’il existe encore des résistances dans la société française. C’est décidément un climat de guerre civile qu’on nous prépare.

Arnaud Guvenatam

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Sélection naturelle : de la science à l’humain https://plaidoyer-republicain.fr/selection-naturelle-de-la-science-a-lhumain/ https://plaidoyer-republicain.fr/selection-naturelle-de-la-science-a-lhumain/#respond Wed, 26 Mar 2014 15:24:02 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=450 ...lire la suite ]]> simpsons-2013Je suis comme tout le monde, et chaque individu a des préférences et des passions aussi diverses que variées. Pour ma part, j’ai le goût de la science, et plus particulièrement de la biologie. Je vais parler ici d’un immense thème qui a changé la vision du monde, tel que l’homme se le représentait. Le sujet qui sera évoqué sera celui de la sélection naturelle. Il faut sortir des idées reçues et des poncifs que l’on entend à longueur de journée. Cette partie comprendra des notions et des définitions techniques, mais le principal but sera de les rendre accessibles aux lecteurs sans pour autant trahir les propos. On dit souvent que le savoir est une arme, et que l’acquisition de la connaissance est un acte émancipateur et libérateur. Le problème étant que cette thématique a été longtemps décriée, mal interprétée et utilisée à dessein. Malheureusement, je ne vois pas tellement de prise d’initiative permettant à tout un chacun de se saisir de la question. Communément, il est certain qu’il y a autant de définitions de la sélection naturelle que de personnes ayant un avis dessus. C’est un peu comme lorsque l’on dit qu’il y a 66 millions de sélectionneurs en équipe de France quand on voit le tombereau d’insultes des individus en désaccord avec les choix du sélectionneur.

Pardon par avance si des termes apparaîtront comme des repoussoirs mais un minimum de rigueur oblige également à la complexité. Avant de définir ce qu’est la sélection naturelle, il faudrait peut-être commencer par décrire la façon dont elle a été pensée et utilisée. Il est absolument nécessaire de comprendre que les théories libérales de l’économie ont indubitablement inspiré la façon d’appréhender la compréhension du vivant. En effet, picture_cost_benefit_analysisl’individu a souvent été l’unité de référence de la pensée théorique. Ayons tout d’abord à l’esprit que la détermination des bénéfices récoltés et des coûts subis par les individus ont une influence sur les choix comportementaux. Quel intérêt ai-je à faire telle action par rapport à une autre ? Depuis la sortie de la théorie de la sélection naturelle, ce processus a été compris comme étant d’une sorte d’état de nature où le plus fort survit au détriment du plus faible. Cela est répété sur tous les tons comme étant « la survie du plus apte ». Par la suite, les penseurs libéraux se sont historiquement saisis de ce résumé falsificateur pour inculquer aux gens que la solidarité n’existe pas, que l’individu s’émancipe par autonomie ou indépendance vis-à-vis des autres et donc que la coopération serait une vision idéologique et contre nature. L’individualisme serait par conséquent l’alpha et l’oméga des relations humaines.

Depuis la parution de « L’origine des espèces » de Charles Darwin en 1859, chacun peut comprendre que les progrès techniques ont nécessairement changé beaucoup de points quant aux propositions initiales sur le sujet. Ces progrès techniques et scientifiques ont permis de formaliser la Nouvelle Synthèse néo-darwinienne ou Théorie Synthétique de l’évolution. En effet, il a été incorporé à la théorie darwinienne les données modernes de la génétique, de la biologie du développement, de la paléontologie et de la systématique. Pour en revenir à la sélection naturelle, le meilleur moyen de l’appréhender est donc de la définir. Voilà une définition longue, précise, où chaque terme compte (Danchin, Giraldeau et Cézilly, 2005) :

« La sélection naturelle est un processus (Endler 1986), c’est-à-dire un ensemble de phénomènes reliés dans une chaîne causale. D’une part existent des conditions, indépendantes les unes des autres. D’autre part, lorsque ces conditions sont remplies simultanément, il en découle systématiquement des conséquences. Les conditions préalables à l’enclenchement du processus de sélection naturelle sont au nombre de trois :

(1) Il est une variation entre les individus pour un certain trait ;

(2) Il existe une relation cohérente entre ce trait et la capacité des individus qui possèdent le trait à survivre (par exemple la capacité à éviter les prédateurs) et/ou se reproduire (par exemple la capacité à acquérir un partenaire, fécondité…). En d’autres termes, il existe une relation cohérente entre ce trait et l’aptitude phénotypique. C’est ce que l’on appelle la pression de sélection ;

(3) Il existe une hérédité de la variation sur le trait considéré, indépendamment des effets liés au fait que les générations successives puissent se développer dans le même environnement. Le trait doit donc être héritable. »

Prenons un exemple : c’est toujours le même fameux exemple mais il reste simple pour appréhender le phénomène. C’est le cas de la phalène du bouleau, papillon (Lépidoptère) bien connu. Il existe une variation sur le trait de la couleur : blanc ou noir. La relation est cohérente entre se trait et sa capacité à survivre, éviter un prédateur et ou se reproduire. phalenes-du-bouleau_315Cette couleur est héritable. Maintenant, contextualisons le cas de la phalène. Durant la révolution industrielle en Angleterre, le développement des mines et du  charbon ont considérablement pollué et modifié l’environnement. Il y avait assez peu de phalène avec un morphe noir et la plupart avait le morphe blanc. Quand la pollution s’est répandue et que tous les arbres ont été recouverts de poussières noires, les phalènes blanches étaient très visibles pour les prédateurs, tandis que la minorité à morphe noir se cachait de fait beaucoup plus efficacement. Ils ont donc été moins prédatés que les morphes blancs et se sont par conséquent reproduit plus facilement.

Entendons-nous bien, lorsque j’utilise la définition de la sélection naturelle je n’ai pas la bêtise de transposer littéralement le propos au niveau de l’espère humaine. Mais par contre, cela n’a pas gêné une quantité non-négligeable d’individus de le faire. D’autant plus lorsque la transposition d’une définition est caricaturée et utilisée à dessein. L’avarice intellectuelle et la paresse idéologique des libéraux ont simplifié cette vision extrêmement complexe de la façon dont le monde et les interactions s’organisent par « la survie du plus apte ». Il faut affirmer haut et fort que ces conclusions ne sont rien de moins que de la fraude intellectuelle.

Pour tordre le cou à ces fables, poussons le raisonnement libéral jusqu’au bout. Prenons un individu théorique et définissons-le comme étant le meilleur parmi les meilleurs. Pour résumer, l’individu qui sera le plus apte à survivre et à se reproduire. Étudions-le par exemple dans les premières années de sa vie. La première étape qui commence la vie de n’importe quel individu est bien entendu la naissance. Le raisonnement libéral basé sur la mauvaise interprétation de la sélection naturelle pourrait nous amener à penser que les meilleurs seraient ceux qui n’auraient pas de souci pour naître. Admettons, mais chez les penseurs libéraux, un individu se suffit à lui-même et a pour conséquence que l’indépendance vis-à-vis d’autres individus est une norme sociétale. A titre personnel, je ne connais aucun individu susceptible de naître par génération spontanée, sans parent ou entourage, sans médecin et sans aucune aide extérieure. De ce point de vue, cet individu n’existe pas. Cet être suprême, qui serait sensé être l’individu ultime, le plus apte, ne dépasserait même pas le premier jour de sa naissance. Mettons maintenant notre Adam-Smith en culotte courte sans école, sans professeur, sans parent et sans ami. Bref, le parfait individu qui s’émancipe de façon totalement autonome et individuelle. Et bien cet individu a existé, mais la finalité n’a évidemment rien à voir avec les résultats escomptés. Voyez plutôt. L’histoire se passe en Russie en 2009. La police a retrouvé une fillette de 5 ans qui a été surnommée Mowgli comme dans « le Livre de la Jungle ». Manifestement, la responsabilité des parents est lourde mais le sujet n’est pas là. Voilà une fillette qui a grandi avec des chiens et des chats pour l’essentiel. Elle était incapable de communiquer dans une langue intelligible mais avait par contre copié les comportements des chats et des chiens qui l’entouraient. Voilà une démonstration de plus qu’un individu seul ne se développe que de façon parcellaire. La doctrine libérale pure montre ses limites à la simple énonciation des faits. L’idéologie ne peut en aucun cas faire fi du caractère éminemment social de l’être humain.

Les concepts de sélection naturelle sont bien plus fins qu’il n’y paraît. Sortons un moment des considérations humaines et repartons sur le terrain de la biologie évolutive pure. Cela permet d’introduire un auteur important en évolution, Richard Dawkins. Ce biologiste a publié « Le gène égoïste » en 1976, mais la plupart des gens se sont arrêtés au titre. Cela arrangeait bien tout le monde de caricaturer le propos du livre. D’un côté, les libéraux qui voyaient en ce titre l’illustration ultime de leurs thèses. D’un autre côté, les individus refusant de voir le moindre côté égoïste allant jusqu’à comparer Dawkins à Hitler. Bien évidemment, aucune de ces interprétations n’est juste. Je vous conseille de le lire avec attention car à aucun moment il n’est question de dire que la coopération soit contre-nature. C’est même l’inverse. En effet, les processus de sélection naturelle tels que définis plus haut illustrent que l’on ne peut la résumer à la « survie de plus apte » Tu ne définis pas ce qu’est le gène égoïste. La coopération est au centre de nombreuses interactions dans la nature. Mais bien sur, c’est grâce aux progrès techniques notamment, que nous sommes en mesure de comprendre pourquoi la coopération a été sélectionnée, car elle est soumise à sélection. Afin de comprendre les raisons qui poussent les fourmis, les termites, les abeilles ou toute autre espèce d’individus à avoir un haut niveau de coopération, nous devons introduire un nouveau pan central de la pensée néo-darwinienne : la sélection de parentèle. Là encore, il ne faut pas perdre de vue que les raisonnements qui régissent les processus de sélection de parentèle (totalement inclus dans la théorie de la sélection naturelle) sont analysés en termes de coûts et de bénéfices. Je vais vous épargner les démonstrations mathématiques, mais le principe de la sélection de parentèle, crée par William D. Hamilton en 1976 (récompensé en 1993 d’un prix Crawford) tient à peu près en ceci : cette théorie démontre que, sous l’effet de la sélection naturelle au cours de l’évolution, il peut y avoir l’apparition chez des individus de comportements « altruistes » que l’on définira comme étant coopératifs. Généralement, la proximité génétique entre les individus est le facteur déterminant dans l’apparition et le développement de comportements de coopération. Pour résumer, vous aurez plus tendance à coopérer avec un membre de votre famille qu’avec un individu qui serait plus éloigné de vous génétiquement. Le degré de parenté entre les individus définit le niveau de coopération entre les protagonistes. Regardons maintenant dans la nature si cette théorie est infirmée ou confirmée. Trois exemples résumés en un seul permettent de répondre à cette question. Darwin n’a jamais compris à l’époque pourquoi les abeilles et les autres insectes sociaux vivaient ensemble avec des tâches spécialisées de certains individus qui, en plus ne se reproduiront jamais. En effet, il apparaît abeille-600pxtotalement illogique qu’un individu a priori égoïste saborde lui-même la transmission de ses gènes à la génération suivante. Prenons une ruche, tout ce qu’il y a de plus classique. Tout le monde sait qu’il n’y a qu’un seul individu qui produit des jeunes : la reine. Par conséquent, les abeilles de la ruche ont toute un degré d’apparentement élevé. Il est d’au moins 50% car toutes les sœurs ont la même mère, mais pas forcément le même père. Mais quand même, ce taux d’apparentement est très élevé. On commence à voir pourquoi la théorie d’Hamilton basée sur le degré d’apparentement permet de clarifier le niveau de coopération entre les individus. Maintenant, admettons qu’une abeille qui n’est pas reine se reproduise. Sa progéniture aura 50% de gènes en commun avec la mère, c’est-à-dire autant qu’avec toutes ses sœurs issues de la descendance de la reine. Cela montre, en toute hypothèse, pourquoi les abeilles ne se reproduisent pas et investissent leur énergie dans les nurseries ou l’exploration pour la nourriture (le foraging). Je n’ai individuellement aucun bénéfice à pondre des œufs dans la nurserie car mes gènes ne se transmettront pas mieux que si j’investis dans le développement de la ruche. Bien sur, comme dans tout système il y a tricheurs. Il arrive que des abeilles tentent quand même de pondre en cachette, mais le coût à faire cela est immense. Voyez pourquoi. La science nous a également appris que dans les colonies d’insectes sociaux, des individus représentent en quelque sorte une police. Si vous vous faites attraper à mettre vos propres œufs, vous risquez la mort. Une abeille seule dans la nature, sans ruche et sans congénère est vouée à la mort. Le coût est infini pour un bénéfice nul. A la lecture de cet exemple, vous devriez arriver à la conclusion que la sélection de parentèle est une théorie permettant d’expliquer que dans la nature, la dissocietecoopération est un fait. Et que par conséquent, les gens qui vous disent matin midi et soir que la solidarité et la coopération ne sont pas nécessaires, ou n’ont pas vocation à structurer une société ou des comportements, sont de purs idéologues. Bien entendu, la transposition à l’espèce humaine amènerait des gens mal intentionnés à considérer qu’il ne faut coopérer avec personne d’autre que sa famille. Cela serait dangereux d’un point de vue idéologique et ne prendrait pas en considération que les liens humains ne se cantonnent pas à ce seul cercle familial. Jacques Généreux à très bien illustré les divers cercles de développement de l’individu dans la société par exemple. Je pourrais très bien arrêter ici le déroulement théorique permettant de comprendre les raisons qui vont pousser des populations ou des groupes d’individus à coopérer, mais je préfère enfoncer le clou en énonçant et vulgarisant un pan particulier des mathématiques essentiel à la compréhension de l’évolution de la coopération : la théorie des jeux. La suite au prochain numéro.

Arnaud Guvenatam

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Les complots pour les nuls. https://plaidoyer-republicain.fr/les-complots-pour-les-nuls/ https://plaidoyer-republicain.fr/les-complots-pour-les-nuls/#comments Thu, 30 Jan 2014 13:43:56 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=368 ...lire la suite ]]> BronnerEn préambule, je tiens à souligner que cet article m’a été inspiré par la lecture du livre de Gérald Bronner : la démocratie des crédules. Vous allez encore m’objecter que je fais une fixation sur les complots en tous genres, mais force est de constater qu’un nombre croissant de nos concitoyens tombent dans le piège du complotisme exacerbé. Le livre de Bronner a mis en ordre une pensée que nous pouvons tous avoir sans pour autant l’organiser efficacement contre les tenants des théories dites « alternatives ». Pour peu que l’on se plonge dans ces théories fumeuses, on constate qu’elles sont systématiquement construites de la même manière. On a tendance à croire qu’il s’agit d’une pensée construite autour de la raison, alors que cela s’apparente plus à de la croyance. Je vais essayer de vous montrer comment tout cela est construit avec mon humble petite compréhension des choses.

 

Quelques généralités.

 

Dans cette partie, nous allons d’abord développer quelques caractéristiques du comportement humain qui sont bien connues en psychologie et dans la littérature scientifique. La construction d’un complot viendra dans un second temps. Il nous faut dans The+Big+Bang+Theory+Sheldonun premier temps parler de l’avarice intellectuelle. Imaginez plutôt qu’un individu lance une réflexion poussée sur la moindre décision qu’il serait amené à prendre tout au long de sa vie. Par exemple, le temps qu’il faudrait prendre pour savoir s’il vaut mieux se faire un café, un thé ou un chocolat chaud, ou les trois, ou seulement deux sur les trois et lesquels ? On voit tout de suite cela deviendrait bien invivable pour la quasi totalité des gens. Nous sommes amenés à fonctionner par réflexes ou habitudes sur un certain nombre de sujets. Appelons cela l’avarice intellectuelle. Cela a été montré par exemple sur des exercices de logique en psychologie : 95% des individus testés feront un raisonnement assez peu coûteux en énergie et en temps en choisissant une solution qui semble convenable, alors qu’elle est fausse. Lorsqu’une solution est contre-intuitive elle est très peu sélectionnée par les individus.

Il faut également se rendre compte que devenir un être connaissant est de plus en plus compliqué depuis la massification de l’information que constitue le support internet. On y trouve de tout, et surtout du rien, mais c’est un avis personnel. Un fait amusant a été montré par Bronner, le biais de l’information d’internet. Lorsque l’on sait que 90% des individus faisant une recherche sur un moteur type Google, ces derniers ne vont pas plus loin que la page 3 (c’est-à-dire les 30 premiers sites) on constate d’ores et déjà le potentiel biais. Sur des sujets comme le monstre du Loch Ness, le 11 septembre, la psychokinèse, les crop circles (dans les champs de blés) ou que sais-je encore, sur les 30 premiers sites, 80% sont favorables à des explications complotistes. Lorsque l’on met cela en parallèle avec l’avarice intellectuelle inhérente à tous les individus, on comprend pourquoi de plus en plus de gens tombent dans ces fantaisies complotistes.

 

Tout n’est peut-être pas faux…

 

Je vais rentrer maintenant dans la construction des complots à proprement parlé. J’ai dit en introduction que la quasi-totalité des complots étaient construits sur des bases se drapant de raison alors que nous sommes plutôt dans la croyance. Je suis obligé à présent d’introduire un personnage central pour la compréhension des complots : Charles Fort. Voilà un individu, évoluant dans les années 20 et 30, qui était à l’aise avec l’idée de défendre le fait que la Terre serait plate ! Cet olibrius a expliqué sa méthode pour gagner la raison : le mille-feuilles argumentatif. Il dit lui-même que dans les éléments qu’il utilisera pour ses démonstrations, des éléments seront faux, voire pourris. Ca ne le gêne pas outre mesure. L’important étant de noyer tout le monde derrière une quantité astronomique d’arguments. Le principal également est la transdisciplinarité : faire feu de tout bois en quelques sortes. L’impact direct de cette méthode est de faire en sorte qu’une seule et même personne ne soit pas en mesure de contrer les arguments traitant de plusieurs domaines très techniques. Bien sur, personne n’a la science infuse et cette méthode agressive permet de faire fermer leur bouche à beaucoup de gens. Et il y a tellement d’arguments utilisés qu’il est statistiquement possible que certains éléments soient vrais. Et là c’est le drame. Ils se complotserviront à dessein de quelques éléments factuels juste dans les débats où les tenants de la raison seront très vite bloqués. « Vous voyez, tout ce que je dis n’est pas faux ». La théorie complotiste peur se répandre de façon virale. Et de toute façon, il est à peu près aussi intéressant de débattre avec un complotiste que s’écharper avec des créationnistes qui un temps dénigreront la science, et dans un autre temps l’utiliseront à dessin. J’adjure que l’on ne reste pas dans cette situation !

 

L’effondrement des tours jumelles

 

Je préviens le lecteur tout de suite, il ne s’agira pas ici de défendre la théorie du complot ou quoi que ce soit. Je vais parler de faits et rien que de faits pour illustrer le fait que la théorie du complot ait si bien marchée. Vous vous souvenez tous de ce Thierry Meyssan qui le premier a affirmé dans un livre que le 11 septembre était le fait de la CIA. Ce livre fourmille de détails, « d’arguments » et vise clairement à noyer le lecteur dans un flot incroyable de données avec très certainement dans le lot des choses qui ne sont pas fausses. Il est évident qu’à moi tout seul je ne serai pas capable de répondre fait à fait à tout ce qui peut être dit sur le 11 septembre. C’est le principe de l’effet Fort dont nous avons parlé plus haut. Mais par exemple, on a entendu un certain nombre de gens dire qu’il était impossible que les tours s’effondrent car la structure en acier ne fond qu’à partir de 1500°. Ils disent également facesque l’incendie provoqué par le kérosène d’un avion ne peut atteindre cette température et par conséquent, ce n’est pas ce qui a provoqué la chute des tours. Bon, à la lecture de cela, on voit pointer le phénomène d’avarice intellectuelle. Il y a cohérence et l’investissement dans le raisonnement est faible. Donc sa viralité est extrêmement forte, d’autant que personne ou presque n’est spécialiste de la fonte des matériaux. Pourtant, « tout spécialiste en matériau sait que l’acier perd 50% de sa résistance à 650° et jusqu’à 90% pour des températures proches de 980° » selon Bronner. Si vous rajoutez au fait que la structure soit considérablement affaiblie, la collision d’un avion explique très bien pourquoi et comment les tours sont tombées. Voilà par exemple comment il faut opérer pour démonter les mythes à partir de la science. Mais il est évident dans un diner avec des complotistes qu’il est compliqué de tenir ce genre d’arguments si vous n’êtes pas vous-même spécialiste en fonte de matériaux.

 

L’efficacité des complots

 

Vous voyez qu’il est extrêmement compliqué de contrer ce genre de théories, d’abord parce que les complotistes sont des gens extrêmement motivés et que dans la plus part des cas, les spécialistes ne nous font pas part de leurs analyses car ils n’ont pas la motivation de perdre du temps à répondre à toutes ces fadaises. Je le comprends mais c’est une faute. De même, je n’ai pris qu’un exemple, mais si vous allez sur les sites complotistes type reOpen911, le mille-feuille est considérable et constitue une ode à l’avarice intellectuelle. Le seul conseil qui prévaut c’est de recouper les informations, si vous en avez le temps, et d’adopter une démarche journalistique ou scientifique. Mais force est de constater que les théories du complot ont de beaux jours devant elles car elles font appel à la croyance et non à la raison. Avec un peu  de temps et de motivation, ce que je n’ai pas, j’aurais très bien pu avec un ami, fomenter un complot judéo-maçonnique à la Soral autour de l’état de santé de Michael Schumacher en puisant par exemple dans ses relations, des écuries pour lesquelles il a couru et ainsi  de suite. S’il décède, je vous mets ma main à couper qu’on trouvera un complot sur sa mort. En attendant,  gardons la raison comme seul moteur de nos analyses.

Arnaud Guvenatam

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De Darwin à la 6ème République https://plaidoyer-republicain.fr/de-darwin-a-la-6eme-republique/ https://plaidoyer-republicain.fr/de-darwin-a-la-6eme-republique/#respond Thu, 23 Jan 2014 09:44:09 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=342 ...lire la suite ]]> Une fois n’est pas coutume, je vais parler longuement de la recherche scientifique. Sans prétention aucune, je souhaite que les lecteurs du Plaidoyer Républicain soient sensibilisés à un domaine qui a révolutionné le monde ces deux derniers siècles : la Théorie de l’Évolution. Je pense que chacun a une vague idée de ce dont il s’agit, mais je n’ai pas l’intention de faire un cours magistral. Non, le but de ce long article est que tout un chacun puisse faire les ponts entre la recherche scientifique et la politique en général. En effet, le rôle de la science depuis un certain nombre d’années a été d’agir de telle sorte qu’aucune article_bogdanoffpasserelle avec la politique ne soit rendue possible. Peut-être est-ce le choc du discrédit qu’a eu l’utilisation fallacieuse de la génétique par les soviétiques au travers de Trofim Lissenko ? Dans une certaine mesure c’est une critique des scientifiques que je fais. Trop rares sont ceux qui prennent position. Les plus médiatiques font rire la communauté scientifique, à l’instar des Boris Cyrulnik et autres frères Bogdanoff.

La révolution évolutionniste.

 

Comme je le disais plus haut, l’avènement de la théorie de l’évolution de Charles Darwin a révolutionné le monde et la représentation que nous nous en faisions. Je ne vais revenir sur les conditions qui ont été réunies autour de Darwin et qui ont permis la publication de « l’Origine des espèces » en 1859. Trop souvent, la sélection naturelle a été définie comme étant « la survie du plus apte ». Selon moi, la vulgarisation de cette définition a été imposée par les philosophes d’essence libérale. Il est clair que l’application politique à cette philosophie implique que la coopération est une vue de l’esprit. La métaphore naturelle est souvent invoquée, par exemple lorsque vous entendez dire « qu’il vaut mieux être un prédateur qu’une proie, que c’est la survie du plus fort » et ce genres de poncifs éculés jusqu’à la moelle. Des applications politiques telles que l’eugénisme ont été des horreurs sans nom. Il est vrai qu’au moment de la sortie de l’origine des espèces, Darwin a posé les limites de sa théorie. Il n’était pas en mesure de comprendre pourquoi certains insectes eusociaux ont un Hamiltonniveau de coopération si élevé, par exemple dans les termitières, les fourmilières ou les ruches. Mais les insectes ne sont pas les seuls animaux à pratiquer la coopération, nous pouvons le voir chez des mammifères comme les suricates par exemple. Bref. Il a fallu attendre les travaux de William D. Hamilton en 1964 (popularisés par John Maynard Smith) et sa théorie de la sélection de parentèle pour appréhender le problème posé par la coopération. Donc oui, l’altruisme et la coopération sont des réalités dans la nature.

Le pont entre découvertes scientifiques et économie.

cooperationPour la faire courte, je vais parler succinctement de ce que l’on appelle la théorie des jeux. Il s’agit de développements mathématiques permettant de déterminer une action en fonction des types d’actions que pourraient avoir le partenaire avec qui l’on joue. Je vous invite à aller regarder le jeu du dilemme du prisonnier itéré par exemple. Ce pan des mathématiques a eu des implications fortes en économie. Puis dans les années 50, l’équation de Nash et la notion de stratégie évolutivement stable a permis de combler un trou conceptuel dans l’évolutionnisme, qui paraissait privilégier l'égoïsme. Il s’agit de la matérialisation mathématique de la coopération. Comme dans tous les jeux, ce qui va déterminer la façon dont nous allons jouer, ce sont les règles. Le Monopoly ne serait pas ce qu’il est si vous aviez la possibilité de sous-louer à un ami votre hôtel rue de la Paix ou si vous aviez une structure, appelons-là État, qui viendrait réquisitionner vos maisons ou autres hôtels ou qui mettrait en place des impôts ! Avant de poursuivre la réflexion sur le plan politique, faisons d’abord quelques remarques sur la notion même de coopération.

La coopération : un égoïsme qui ne dit pas son nom.

Beaucoup de personnes auraient tendance à penser que l’altruisme social et la coopération seraient grosso modo la définition de l’équité. Une manière de dire que ces comportements seraient issus d’une exigence morale spécifiquement humaine et acquise. En 2008, une équipe de scientifiques, autour d’Ernst Fehr, a travaillé sur les comportements de partage chez les enfants (Egalitarianism in young children). L’étude nous apprend qu’à trois ans les enfants n’ont pas le sens du partage et que vers sept à huit ans, nous constatons que les enfants sont plus enclins à donner leurs bonbons. La conclusion que tout le monde est amené à faire est que cette coopération, cet altruisme là n’est pas égoïste. Pourtant, il faut bien dire que toutes les expériences ont été faites en présence d’un observateur adulte. Il y a donc cette hypothèse que les enfants en âge de comprendre qu’ils peuvent être jugés par un tiers partagent finalement de façon contrainte. On parle alors de prestige social ou coopération coercitive. De mon point de vue cette vision est intéressante car personne n’aime être mal jugé par la société. Même si la tentation de rester égoïste est forte en gardant ses bonbons pour soi, on peut tirer un bénéfice individuel supérieur à partager plutôt qu’à tout garder pour soi. On se fait mieux voir en quelque sorte. Alors d’aucun diront que c’est scandaleux d’appréhender la notion de partage sous cet angle-là. Mais force est de constater que je ne porte pas de jugement moral sur le partage en tant que tel, mais nous constatons que le dit « partage » a bel et bien eu lieu. Dans ce cas-là aussi, certaines règles sont opérantes dans la manière d’aborder le rapport à autrui. Et donc si je résume, ce sont les règles qui définissent individuellement comment il faut se comporter avec son prochain.

La 6ème République : des règles de partages.

Pour terminer cet article, je me dois de passer sur le champ politique. Je ne veux surtout pas laisser imaginer que la façon dont on doit penser la société doit être scientifique ! J’ai essayé, tant bien que mal, de montrer que ce sont les règles qui soulignent les contours de ce que serait la mise en place de la coopération dans la société. Mais qui décide des règles ? Bien évidemment, c’est le législateur, et donc le politique. Il serait intéressant que nous nous plongions collectivement dans les œuvres de Jacques Généreux par exemple. J’ai cet économiste en tête car en France, je pense que c’est un des premiers à avoir vulgarisé un certain nombre de choses sur le sujet. Je vous incite à lire la trilogie « L’autre société ; La Jean-JauresDissociété ; La grande régression » Dans notre 6ème République, nous voulons que le citoyen soit partie prenante de la politique et qu’il décide ce qui est bon pour tous, mais également pour lui. Il ne s’agit pas, dans le modèle de société que nous voulons, de substituer la tyrannie du groupe contre l’individu. Non, il s’agit de définir les règles permettant l’émancipation des individus au travers d’une communauté politique de coopération. Je laisserai les lecteurs, les économistes et qui le veut, décliner les solutions permettant d’ancrer dans le réel cette philosophie au travers de la République. Bien sur, j’ai ma petite idée, mais le but de l’article est également d’amener le débat, autour de ce concept jauressien de République Sociale.

Arnaud Guvenatam

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Condorcet et Robespierre : choc frontal sur l’éducation https://plaidoyer-republicain.fr/condorcet-et-robespierre-choc-frontal-sur-leducation/ https://plaidoyer-republicain.fr/condorcet-et-robespierre-choc-frontal-sur-leducation/#comments Thu, 03 Oct 2013 05:55:44 +0000 https://plaidoyer-republicain.fr/?p=90 ...lire la suite ]]> Un ouvrage qui influença fortement Robespierre et les Montagnards
Un ouvrage qui influença fortement Robespierre et les Montagnards

La vision de l’éducation et de l’instruction ont été, durant la Révolution Française, soumises à différentes analyses, notamment entre les jacobins et les girondins. En 1792 et 1793 à l’Assemblée Nationale et à la Convention, a été discutée la façon d’organiser l’école publique. Même si de prime abord, les thèses de Robespierre (jacobin) et de Condorcet (girondin) semblaient assez semblables, je vais montrer qu’elles s’opposaient très radicalement.L’essentiel de la divergence entre Condorcet et Robespierre tend à la prise en compte du contexte historique du moment et de la base d’analyse du réel.

Condorcet : l’acceptation de la destinée, ou la vision libérale des girondins

Toutes les citations de Condorcet ont été tirées du rapport sur l’organisation générale de l’instruction publique fait au nom du Comité d’instruction publique, à l’Assemblée nationale (séances des 20 et 21 avril 1792).

La base de l’analyse de Condorcet est en quelque sorte de donner un savoir commun à tous les enfants quelles que soient leurs classes sociales. A priori, ce postulat ne souffre d’aucune contestation. Néanmoins, il faut aller jusqu’au bout de son analyse pour constater que cela n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. En effet, dès les premiers âges de la vie, Condorcet fait sien le fait que les classes ont une sorte d’état de nature indépassable. Selon lui, « les écoles secondaires sont destinées aux enfants dont les familles peuvent se passer plus longtemps de leur travail, et consacrer à leur éducation un plus grand nombre d’années, ou même quelques avances. ». A la lecture de ces propos, il y a l’analyse classique libérale qui part du principe que les inégalités existent, et qu’après tout, c’est bien normal. L’air de dire aux parents : tant mieux si vous êtes riches, vos enfants iront dans le secondaire. Messieurs les pauvres, on a déjà appris à lire aux vôtres alors ne vous plaigniez pas. Il poursuit son propos : « Les cultivateurs, à la vérité, en sont réellement exclus [NDLR : degré d’instruction secondaire] lorsqu’ ils ne se trouvent pas assez riches pour déplacer leurs enfants ; mais ceux des campagnes, destinés à des métiers, doivent naturellement achever leur apprentissage dans les villes voisines, et ils recevront, dans les écoles secondaires, du moins la portion de connaissances qui leur sera le plus nécessaire ». Lorsque Condorcet parle de destinée, on comprend bien que l’inégalité de classe est un état de nature. C’est ta destinée, c’est comme ça, c’est intangible. Vous me voyez d’ores et déjà arriver avec mes gros sabots pour introduire la vision radicalement opposée de Robespierre. Et bien vous avez vu juste !

Robespierre : le jacobin à l’égalité républicaine chevillée au corps

Toutes les citations de Robespierre sont issues du plan d’éducation nationale rédigé par Michel Lepeletier de Saint Fargeau, arrangé et défendu par Robespierre à la Convention 29 juillet 1793.

Le premier constat qui s’impose est que Robespierre ne parle jamais de destinée. Il postule d’emblée qu’une inégalité n’est pas un état de nature. Sur ce point, la divergence avec Condorcet est abyssale dans le contexte de la Révolution et des attaques contre la République. Son analyse part du réel de la situation sociale en faisant le constat suivant : les pauvres ont besoin de manger pour s’éduquer. Il déclare : « les personnes aisées, c’est-à-dire le plus petit nombre, ont tout l’avantage. Quiconque peut se passer du travail de son enfant pour le nourrir a la facilité de le tenir aux écoles tous les jours et plusieurs heures chaque jour. Mais quant à la classe indigente, comment fera-t-elle ? Cet enfant pauvre, vous lui offrez bien l’instruction ; mais avant, il lui faut du pain ». La finesse de l’analyse politique de Robespierre illustre que Condorcet manie des concepts, mais qui sont totalement hors de la réalité du Peuple. L’approche de Robespierre peut donc être qualifiée de matérialiste. Et, l’affirmation de la République dans la construction de ces citoyens prend toute sa place, en bon jacobin qu’il est. Il déclare que « nous devons fonder une éducation vraiment nationale, vraiment républicaine, également et efficacement commune à tous […] l’instruction publique ». Il propose entre autres choses trois articles que je vous soumets :

« - Art. I. Tous les enfants seront élevés aux dépens de la République, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à douze pour les garçons, et depuis cinq ans jusqu’à onze pour les filles.

Art. II. L’éducation nationale sera égale pour tous ; tous recevront même nourriture, mêmes vêtements, même instruction, mêmes soins.

- Art. III. L’éducation nationale étant la dette de la République envers tous, tous les enfants ont droit de la recevoir, et les parents ne pourront se soustraire à l’obligation de les faire jouir de ses avantages. [...] ».

Toutes les bases de l’éducation nationale et de l’instruction publique sont là. La République est en charge de l’éducation de ses futurs citoyens, où ils seront mis à égalité quelles que soient les classes en termes de nourriture, de vêtements, d’instruction et de soins. La République prend tout son sens ici. Et enfin il y a cette vision de l’école comme étant un investissement sur l’avenir de la Patrie.

Regardons maintenant où nous en sommes. Les débats sur l’éducation nationale sont-ils vraiment différents de l’époque (hors contexte d’invasions et de soulèvements royalistes ?). Je pense que non. Et puisque je participe à ce plaidoyer républicain, je dis « Vive la vision Robespierriste et Jacobine de l’école ! ».

Arnaud Guvenatam

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