Macron, la fraude et les fainéants

De nombreuses choses ont été dites depuis la sortie de Pierre Gattaz sur le contrôle quotidien 830x532_10-mars-2017-emmanuel-macron-pleine-campagne-presidentielle-salue-pierre-gattaz-lors-olympiades-metiers-tiennent-bordeauxdes chômeurs. Ah ! Comme elle nous avait manqué la rengaine sur les assistés, sur les profiteurs, sur ces fainéants de chômeurs se gobergeant sans chercher de travail et sur les salariés de Pôle Emploi incitant les chômeurs à ne pas travailler.Car comme chacun le sait, le chômeur est un véritable vampire qui suce le sang de la Patrie en partant deux ans en vacances avec ses droits au chômage. Heureusement que Valeurs Actuelles, le MEDEF et Emmanuel Macron sont là pour nous ouvrir les yeux sur le cancer de la France : l’assistanat !

Finies les années de laisser-aller avec Hollande et Sarkozy ! Emmanuel Macron veut redresser la France en rétablissant la justice sociale ! Des mauvaises langues diront que faire 400 millions d’économies sur les APL (touchant au passage les foyers les plus modestes), et distribuer par la même occasion 400 millions d’euros aux 1000 foyers les plus riches de ce pays, prouve que le président mène une politique pour les « premiers de cordée ». Encore pire, certains bien-pensants iront jusqu’à dire qu’il est le président des riches comme 88 % des Français.

Non, il est le président d’une majorité qui supprime la CSG pour les députés avant d’augmenter le taux de celle-ci pour le reste de la population… Point de vue symbolique, Sarkozy passe vraiment pour un petit joueur avec son yacht de Bolloré…

Vous pensez que c’est injuste ? Non, c’est la politique du ruissellement, vous travaillez, ils gagnent plus et… ils gagnent plus. Par contre, il vous est interdit de désobéir à ce système. Une des illustrations de cette politique est l’adoption par l’Assemblée Nationale d’un amendementob_4555ae_22008260-899854880178846-7312911472359 sur le renforcement du contrôle des chômeurs, qui a été voté en catimini à 4 heures du matin en fin de séance à l’Assemblée Nationale. Macron souhaite, en effet, multiplier le nombre de contrôleurs Pôle Emploi par 5 (de 200 à 1 000). Les fameux fainéants qui profitent du système, qui « foutent le bordel, plutôt que de chercher du travail », c’est terminé ! Ils profitent tellement du système qu’ils fraudent et perçoivent des sommes d’argent qu’ils ne devraient pas. C’est ce que l’on appelle la fraude sociale. La fraude sociale en France représente 680 millions d’euros ! Soit 0.2 % des dépenses de l’État ! Alors que dans le même temps, un rapport parlementaire ainsi que les études d’économistes affirment que la fraude fiscale coute entre 60 et 100 milliards d’euros par an, soit 88 fois plus que la fraude sociale. Vous l’avez compris, vu ces chiffres, il faut donc contrôler les pauvres, la logique est sans équivoque…

À entendre le gouvernement et le MEDEF, il faudrait punir ces tricheurs, mais à quel prix ? Les chômeurs sont environ 5,5 millions et environ 500 000 emplois sont durablement vacants. Comme le montre une récente étude scientifique « Ni les contrôles accrus, ni la réforme des règles de l’assurance n’auraient d’effet sur les chômeurs non indemnisés, et le plus probable est que l’essentiel des emplois actuellement vacants le resterait. L’idée convenue selon laquelle les chômeurs indemnisés refuseraient de reprendre un emploi doit aussi être battue en brèche : chaque mois plus de 3,3 millions de contrats de travail sont signés, dont 2,75 millions de contrats de moins de 1 mois, et pour l’immense majorité pourvus par des chômeurs. En comparaison, alors même que le chômage est au plus haut, environ 100 000 chômeurs indemnisés atteignent la fin de leurs droits chaque mois (3,2 % du stock). Les sorties vers l’emploi, la fréquence élevée des passages par “l’activité réduite”, les entrées dans les programmes de formation ou d’emploi aidés démontrent que les chômeurs ne sont pas inertes »[i]

Une seconde information tirée de cette étude nous apprend : « La proportion de chômeurs pratiquant une activité réduite croît avec l’ancienneté au chômage, bien que la qualité des emplois repris sous cette forme soit souvent faible, la plupart étant très courts et peu payés, très éloignés des critères de l’emploi durable et “raisonnable” que la majorité des chômeurs souhaitent retrouver. D’ailleurs, les chômeurs en activité réduite continuent de rechercher un emploi, même si leur activité actuelle est stable. … L’indolence prêtée aux chômeurs français prend souvent argument du faible taux de sanctions infligées aux chômeurs qui ne remplissent pas leurs obligations. […] Tout indique que les chômeurs indemnisés se conforment très majoritairement à leurs obligations. Il est donc en théorie inopportun pour l’assureur d’engager des moyens supplémentaires dans le seul but de réduire un comportement hypothétique. »

En somme, le chômeur travaille, est actif et accepte des postes qui ne correspondent pas à ses attentes puisqu’il souhaite travailler. Alors finalement, est-ce que la triche peut être éradiquée ?

Faisons un parallèle par la nature, et plus spécifiquement chez les insectes sociaux que sont les iridomyrmex8jfourmis. Dans une colonie de fourmis, seule la reine pond. Dans les nurseries, il peut arriver que des individus pondent de façon égoïste leurs propres œufs. Quand des cas de triches sont détectés, un système de police permet de détruire les œufs et/ou d’exclure les individus de la colonie (« working policy »). Bien que dans ces systèmes, il existe une police, cela n’empêchera pas un petit nombre d’individus de tenter et de réussir à tricher. L’éradication totale de la triche nécessiterait que les nurses ne fassent plus que de la police en ne s’occupant plus des œufs. Un surinvestissement amènerait la colonie sur un moyen ou long terme à sa destruction. Il y a donc des compromis et tolérer un certain niveau de triche peut être plus bénéfique pour le maintien d’un système qu’une lutte acharnée et aveugle.

Alors pourquoi cette politique ? Il semble que montrer du doigt les fraudeurs sociaux plutôt que les évadés fiscaux soit plus aisé. Ou peut-être est-ce de la connivence de la part du gouvernement ? Les allégements de l’ISF, les facilitations de régularisation des fraudeurs fiscaux, et le maintien du verrou de Bercy ne semblent pas contredire cette hypothèse. Comme Benoît Hamon l’a demandé dernièrement, il serait judicieux que Macron nous dise qui sont les donateurs de sa campagne. Il serait en effet de mauvais goût que les principaux soutiens du Président soient des personnes passées maîtres dans l’art de se substituer à leurs devoirs de citoyens français.

Il serait bon d’autre part, d’enclencher une véritable réforme fiscale, afin de récupérer les 100 milliards qui chaque année nous coûtent la suppression de nos services publics et de nos biens communs. Puisque comme nous l’avons vu le contrôle peut être nécessaire, nous proposons nous aussi un effort sans précédent s’agissant du recrutement des inspecteurs des finances et des enquêteurs spécialisés dans les montages financiers.

Le gouvernement a donné le ton, à nous d’être l’alternative.

[i]Bruno Coquet, « Obliger les chômeurs indemnisés à reprendre un emploi : la bonne mesure », OFCE policy brief 21, 7 juillet.

Arnaud GUVENATAM

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Montrez que vous êtes humain *