Le communautarisme, voilà l’ennemi !

Au-delà des questions économiques, qui sont centrales, un autre sujet est source de clivage dans notre pays. Personne n'a pu échapper ces dernières semaines aux débats sans fin, et souvent sans argument, autour des questions laïques. Une certaine obligation morale (je dirais même une imposition) s'est fait jour, pressante, sur la base du « Et toi, tu soutiens qui ? ». Comme souvent dans ces débats, l'obligation de choisir entre le blanc et le noir, entre le bien et le mal, tue toute possibilité d'avoir un échange éclairé, aussi virulent soit-il. Disons-le tout net : je me sens aussi éloigné politiquement et philosophiquement d'un Plenel que d'un Valls. Leur vision est, pour moi et chacun à une extrémité, la caricature même du placement hors du champ de réflexion et d'argumentation républicain.

Commençons par l'ancien Premier Ministre. Sur les questions que d'aucuns appellent « identitaires », son ancienne fonction dans les plus hautes sphères de l’État aurait dû lui apprendre au moins une chose : un débat ne peut avoir lieu dans notre pays en opposant les communautés. Tout simplement parce que le pays n'en reconnaît aucune, sinon la communauté des citoyens ! Comme élu de la Nation, il conserve ce devoir impérieux de neutralité et de lutte contre les communautarismes. À l'inverse de cela, il passe son temps depuis des mois à hystériser cette question, en accusant le tout venant d'avoir des complaisances avec l'islamisme politique un jour, et en élargissant le lendemain son propos à l'ensemble des croyants d'une religion, osant parler d'un « problème de l'Islam et des musulmans en France ». En faisant cela, il prend clairement un parti dangereux : en amalgamant volontairement l'ensemble des français de confession musulmane aux islamistes politiques, il renforce ces derniers. Il renforce leur discours qui, si l'on creuse, ne dit pas autre chose que « vous, musulmans, ne serez jamais acceptés dans ce pays. Battez-vous contre lui ou émigrez en terre d'Islam ! ». Ce discours, qu'il soit sous-entendu dans les écrits et les paroles de l'Union des Organisation Islamiques de France (l'association des Frères Musulmans) ou explicitement exprimé dans les productions de groupes terroristes (l’État Islamique ou Al-Qaïda notamment) doit justement être combattu, et non pas validé par les responsables politiques dont fait encore partie Manuel Valls. L'ancien Premier Ministre montre ici une proximité idéologique de plus avec le Front National qui, rappelons-le, n'est que la seconde face d'une pièce commune avec les terroristes.

Quant à Edwy Plenel, soyons également très clairs : son positionnement individuel n'engage en rien son journal. Ce dernier est d'une qualité rarement égalée dans les dossiers qu'il construit (notamment Matthieu Suc, spécialiste de la question jihadiste, officiant à Médiapart). L'indépendance des journalistes est un bien précieux de notre démocratie, et c'est justement ce qui semble poser problème à Edwy Plenel, quoi qu'il en dise. Les faits sont là. Attaqué par une caricature de Charlie Hebdo en Une de son édition du 8 novembre, quelle fut la réponse du directeur de Médiapart ? Une victimisation indigne. Pour lui, cette Une participe d'une campagne lancée par l'extrême-droite contre les musulmans, et dans laquelle la rédaction de Charlie Hebdo s'engouffrerait presque avec une complaisance suspecte. On croit rêver ! Tout d'abord, chercher à discréditer un journal satirique en l'accusant de proximité avec l'extrême-droite au motif d'un dessin est grave. Ça l'est encore plus venant de la part d'un journaliste. On peut trouver la une de Charlie Hebdo mauvaise, nulle, pas drôle, etc. Mais lui nier son droit à la caricature en l'amalgamant à l'extrême-droite, c'est insupportable de malhonnêteté. Deuxièmement, et je demande ici l'aide du lecteur : en quoi une Une accusant Edwy Plenel d'avoir su et de s'être tu sur les agissements en privé de Tariq Ramadan ferait partie d'une sorte de croisade lancée contre les musulmans ? C'est là le nœud de l'affaire : le propos amalgamant. Qu'entend le directeur de Médiapart ? Que l'ensemble des musulmans seraient des prédateurs sexuels ? Que l'ensemble des musulmans partageraient les opinions islamistes du petit-fils du fondateur des Frères Musulmans ? A ces deux réponses, n'importe quelle personne censée répondra « Mais c'est faux, c'est n'importe quoi ». Pas Edwy Plenel, lui qui considérait encore que cette Une Charliesque était une seconde « Affiche Rouge », se comparant lui-même ainsi aux héros de la lutte contre l'occupant nazi.

Autant dire que les points de vue des deux personnages mentionnés ci-dessus, qu'il s'agisse de Manuel Valls ou d'Edwy Plenel, sont diamétralement opposés à ceux des tenants du camp républicain authentique. Les deux protagonistes de cette dispute se placent, et c'est probablement leur seul point commun, dans le camp du communautarisme, de son exacerbation ou de son utilisation. L'un pour communautariser une éventuelle élection partielle à laquelle il devrait se soumettre, l'autre pour se faire le chevalier blanc d'une communauté en particulier, qu'il analyse comme intrinsèquement dominée, exploitée et non-intégrée à la communauté nationale (cette dernière étant, je le rappelle, la seule valable et reconnue dans notre pays). En pratiquant tous les deux la posture amalgamante, les deux « débatteurs » ne rendent service ni aux musulmans, ni à la lutte contre l'islamisme politique, ni à la République. Ils participent tous les deux d'un travail de sape des fondements de cette dernière. S'en rendent-ils même compte ? Soyons bienveillants et disons que non …

Le genre de pensée scandaleuse que produit le P.I.R

Alors, à qui servent-ils la soupe ? À ceux qui, opérant un mélange des deux positions exprimées, dénoncent une prétendue « stigmatisation de l’État contre les musulmans » (comme si une politique d'apartheid était légale, orchestrée par les élus, etc... soyons sérieux) pour utiliser politiquement le communautarisme, le renforcer et en faire un outil de conquête des esprits. Le Parti des Indigènes de la République (PIR) est l'un de ceux-ci. Partisans d'une politique de ségrégation (qu'ils perçoivent comme souhaitable : il y a bien une « discrimination positive »!) basée sur une vision essentialiste des individus, ils sont de ceux qui se nourrissent d'un pseudo anti-racisme pour, de fait, prôner une vision raciste, racialiste et communautaire de la société. Vous êtes blanc ? Vous êtes vus par ces individus comme un exploiteur en puissance. Vous êtes musulmans et/ou une personne « racisée » (comprendre dans leur vocabulaire comme étant « de couleur ») ? Vous ne pouvez rien attendre de ce pays qui vous imposerait des mœurs qui ne sont pas les vôtres comme, tenez-vous bien, l'homosexualité, l'égalité femmes/hommes ou encore la laïcité. Aussi dangereux que cela puisse paraître (et complètement dénué de sens), ce discours trouve écho, au moins en partie, dans une partie de la gauche. Plus précisément à l'extrême-gauche. Considérant par essence les musulmans comme les nouveaux damnés de la Terre, une partie d'entre elle s'est accommodée pendant des années, jusqu'à la revendiquer, d'une proximité avec des organisations dont le fond politique est douteux. Alliée à l'UOIF dès 1989 et les premiers débats sur le voile à l'école, des courants d'extrême-gauche se sont retrouvés ensemble lorsqu'en 2004, a été votée la loi interdisant tous (j'ai bien dis tous) les signes religieux ostentatoires à l'école publique. Farouches opposants à cette loi ils s'opposent alors à une autre gauche, laïque et républicaine, groupée celle-ci autour de figures comme Jean-Luc Mélenchon ou du philosophe Henri Peña Ruiz (membre de la Commission Stasi), qui soutiennent cette loi au nom de la tradition républicaine française, issue de 1905. Ces deux écoles sont toujours présentes à gauche. Quand d'aucuns participent aux 10 ans de la fondation du PIR d'autres, comme le député Alexis Corbière, rappellent justement le rôle central de la laïcité, et donc de l’Égalité, dans la pacification des esprits. La République comme idéal, comme philosophie et comme objet émancipateur ne peut que mourir si elle est non-seulement attaquée frontalement mais surtout abandonnée à son sort par celles et ceux qui sont censés la défendre. Journalistes, politiques ou responsables associatifs ne peuvent participer à la montée des sentiments de séparation, de différenciation perpétuelle et d'exclusion. Participer à ce mouvement, c'est faire encourir un péril grave à la communauté nationale et à l'esprit républicain de notre pays. Les Valls, Plenel ou Bouteldja ont une place toute trouvée : un nouveau mur des con(munautariste)s !

Alexandre Emorine

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