Européennes : le tremplin de La France Insoumise (LFI)

Le gouvernement d’Édouard Philippe a donc tranché. Les élections européennes de 2019 ne seront plus organisées comme auparavant avec des grandes circonscriptions. Il s’agira de listes nationales présentées par les mouvements et partis politiques souhaitant avoir des représentants au Parlement Européen. La mesure fait consensus, à l’exception du parti Les Républicains qui propose un redécoupage en 13 circonscriptions régionales.

A peine cette annonce faite, les différents mouvements et partis ont commencé à prendre position sur leur stratégie à adopter pour le scrutin de 2019. Le parti présidentiel semble se diriger vers une union avec Alain Juppé sur une position d’une Europe fédérale. Il s’agira sans surprise d’une liste d’approfondissement de l’intégration française dans l’Union Européenne. Cela est tout à fait en accord avec la position adoptée par Emmanuel Macron sur la souveraineté européenne et sa vision de la République contractuelle : déposséder la France de sa souveraineté. Au passage, on note la façon dont Emmanuel Macron se saisit de la question d’une façon qui fait furieusement penser à celle qui a toujours eue cours : «Je défends aujourd’hui une Europe de la souveraineté. Car je n’accepte pas de laisser le terme de souveraineté aux populistes». Les gentils pro-européens contre les méchants populistes en somme…

Il est intéressant de faire un instantané sur la situation politique actuelle. Nous voyons en ce moment de terribles changements et modifications du paysage politique. L’arrivée de Laurent Wauquiez marque un signal extrêmement révélateur de la dérive idéologique de la droite républicaine française. Cet homme prend ouvertement la ligne politique de Marine Le Pen et déclare toute honte bue qu’il devra incarner une droite vraiment de droite. Pour ce qui reste de Gaullistes et républicains, cette mutation du principal parti politique de la droite française est difficilement acceptable. Une ligne de fracture profonde se révèle au grand jour et finira de détruire LR. Il y a fort à parier qu’un certain nombre de gens, disons les proches de Juppé pour faire simple, compterons parmi les Macron-compatibles. Le centre également est en train de bouger avec la création de « Agir », et le Parti Radical s’est reformé après 45 ans de scission. Le Président de la République a tout atomisé après son élection, scellant le sort du Parti Socialiste en recrutant Olivier Dussopt qui, trois jours avant sa nomination comme secrétaire D’État avait voté contre le Budget. Emmanuel Macron est en train d’achever le travail chez LR en manigançant une grande alliance au centre et avec la droite libérale de Juppé. L’espace politique de LR est définitivement rogné et pour se maintenir à flots, il devra empiéter sur la ligne politique xénophobe du FN. En effet, pour l’heure, toute alliance des droites est "pour le moment" catégoriquement refusée par LR. Nous relirons cet article avec délectation lors des élections municipales de 2020 pour faire le bilan de ce cordon sanitaire en papier.

Dans le même temps, Marine Le Pen, finalement ridiculisée pour 30 ans par son piteux débat de second tour, tente de sortir de la nasse et de respirer en ouvrant la porte à Wauquiez. L’alliance des droites pourrait permettre à cette dernière de la rendre plus centrale alors que sa déroute personnelle à la présidentielle et son incapacité à constituer un groupe parlementaire l’ont tout à fait isolée de la scène politique nationale. Nous avons également appris qu’elle ne dirigera pas la liste nationale du FN aux européennes et, hormis Marion Maréchal-Le Pen, personne n’est en mesure d’incarner nationalement une liste dont la tradition de ce courant politique n’est basée que sur la culture du chef. Personne n’imagine qu’un Bardella ou qu’un Rachline puisse tenir la tranchée fasciste. Louis Alliot est déjà élu député, et le FN aura à subir la concurrence des « Patriotes » dont la seule motivation est d’achever le FN. Autant dire que le FN est très mal engagé, eu égard à ses récents revirements sur sa vision de l’Europe et de l’Union Européenne.

Et dans tout ce spectacle de déroutes, de scissions, de créations ex nihilo, la France Insoumise a lancé sa stratégie depuis la Convention de Clermont-Ferrand. Le mouvement voit d’un bon œil les listes nationales car il veut nationaliser au maximum l’élection. LFI a d’ailleurs annoncé travailler à l’émergence d’une liste transnationale appelée Europe Insoumise. LFI s’est finalement enracinée et s’installe durablement comme étant la première force d’opposition dans le pays. Il parait que Jean-Luc Mélenchon est déprimé et perd en popularité ? Qu’à cela ne tienne, s’il perd des points c’est à droite (là ou remonte Macron, vue sa politique pour les riches). Il est cependant très populaire à gauche et même chez les sympathisants socialistes. L’influence actuelle de Benoît Hamon et de son mouvement Génération-s ne permettent pas de dire si un encrage populaire est en train de se faire. Il reste néanmoins le candidat du naufrage du PS qui a terminé à 6.36%... Il faut également avouer que les dérives stratégiques successives de la direction du PCF les ont mis hors des radars populaires. La ligne de La France Insoumise ne varie pas : pas d’alliance, pas de tambouille, uniquement le programme l’Avenir en Commun.

Dans ce paysage en ruines, il semble que la seule force debout, unie et en capacité de conquérir est La France Insoumise. Dans l’état actuel des choses, si Macron a eu le point en octobre, il est réaliste de penser que dans un scrutin de liste, La France Insoumise tirera son épingle du jeu. Tout est à faire mais l’on peut raisonnablement être optimistes ! Envoyer des dizaines de députés insoumis au Parlement Européen participera d’une étape obligatoire d’enracinement du mouvement. Ces élections doivent être le tremplin de grandes conquêtes, axées autour des groupes parlementaires insoumis et des citoyens impliqués dans tous les compartiments de la société. Si LFI s’est dotée d’une organisation pérenne, il s’agit maintenant d’enraciner le mouvement partout où cela est possible, quel que soit l’échelon ou les forces en présences.

Arnaud GUVENATAM

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