Condorcet et Robespierre : choc frontal sur l’éducation

Un ouvrage qui influença fortement Robespierre et les Montagnards
Un ouvrage qui influença fortement Robespierre et les Montagnards

La vision de l’éducation et de l’instruction ont été, durant la Révolution Française, soumises à différentes analyses, notamment entre les jacobins et les girondins. En 1792 et 1793 à l’Assemblée Nationale et à la Convention, a été discutée la façon d’organiser l’école publique. Même si de prime abord, les thèses de Robespierre (jacobin) et de Condorcet (girondin) semblaient assez semblables, je vais montrer qu’elles s’opposaient très radicalement.L’essentiel de la divergence entre Condorcet et Robespierre tend à la prise en compte du contexte historique du moment et de la base d’analyse du réel.

Condorcet : l’acceptation de la destinée, ou la vision libérale des girondins

Toutes les citations de Condorcet ont été tirées du rapport sur l’organisation générale de l’instruction publique fait au nom du Comité d’instruction publique, à l’Assemblée nationale (séances des 20 et 21 avril 1792).

La base de l’analyse de Condorcet est en quelque sorte de donner un savoir commun à tous les enfants quelles que soient leurs classes sociales. A priori, ce postulat ne souffre d’aucune contestation. Néanmoins, il faut aller jusqu’au bout de son analyse pour constater que cela n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. En effet, dès les premiers âges de la vie, Condorcet fait sien le fait que les classes ont une sorte d’état de nature indépassable. Selon lui, « les écoles secondaires sont destinées aux enfants dont les familles peuvent se passer plus longtemps de leur travail, et consacrer à leur éducation un plus grand nombre d’années, ou même quelques avances. ». A la lecture de ces propos, il y a l’analyse classique libérale qui part du principe que les inégalités existent, et qu’après tout, c’est bien normal. L’air de dire aux parents : tant mieux si vous êtes riches, vos enfants iront dans le secondaire. Messieurs les pauvres, on a déjà appris à lire aux vôtres alors ne vous plaigniez pas. Il poursuit son propos : « Les cultivateurs, à la vérité, en sont réellement exclus [NDLR : degré d’instruction secondaire] lorsqu’ ils ne se trouvent pas assez riches pour déplacer leurs enfants ; mais ceux des campagnes, destinés à des métiers, doivent naturellement achever leur apprentissage dans les villes voisines, et ils recevront, dans les écoles secondaires, du moins la portion de connaissances qui leur sera le plus nécessaire ». Lorsque Condorcet parle de destinée, on comprend bien que l’inégalité de classe est un état de nature. C’est ta destinée, c’est comme ça, c’est intangible. Vous me voyez d’ores et déjà arriver avec mes gros sabots pour introduire la vision radicalement opposée de Robespierre. Et bien vous avez vu juste !

Robespierre : le jacobin à l’égalité républicaine chevillée au corps

Toutes les citations de Robespierre sont issues du plan d’éducation nationale rédigé par Michel Lepeletier de Saint Fargeau, arrangé et défendu par Robespierre à la Convention 29 juillet 1793.

Le premier constat qui s’impose est que Robespierre ne parle jamais de destinée. Il postule d’emblée qu’une inégalité n’est pas un état de nature. Sur ce point, la divergence avec Condorcet est abyssale dans le contexte de la Révolution et des attaques contre la République. Son analyse part du réel de la situation sociale en faisant le constat suivant : les pauvres ont besoin de manger pour s’éduquer. Il déclare : « les personnes aisées, c’est-à-dire le plus petit nombre, ont tout l’avantage. Quiconque peut se passer du travail de son enfant pour le nourrir a la facilité de le tenir aux écoles tous les jours et plusieurs heures chaque jour. Mais quant à la classe indigente, comment fera-t-elle ? Cet enfant pauvre, vous lui offrez bien l’instruction ; mais avant, il lui faut du pain ». La finesse de l’analyse politique de Robespierre illustre que Condorcet manie des concepts, mais qui sont totalement hors de la réalité du Peuple. L’approche de Robespierre peut donc être qualifiée de matérialiste. Et, l’affirmation de la République dans la construction de ces citoyens prend toute sa place, en bon jacobin qu’il est. Il déclare que « nous devons fonder une éducation vraiment nationale, vraiment républicaine, également et efficacement commune à tous […] l’instruction publique ». Il propose entre autres choses trois articles que je vous soumets :

« - Art. I. Tous les enfants seront élevés aux dépens de la République, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à douze pour les garçons, et depuis cinq ans jusqu’à onze pour les filles.

Art. II. L’éducation nationale sera égale pour tous ; tous recevront même nourriture, mêmes vêtements, même instruction, mêmes soins.

- Art. III. L’éducation nationale étant la dette de la République envers tous, tous les enfants ont droit de la recevoir, et les parents ne pourront se soustraire à l’obligation de les faire jouir de ses avantages. [...] ».

Toutes les bases de l’éducation nationale et de l’instruction publique sont là. La République est en charge de l’éducation de ses futurs citoyens, où ils seront mis à égalité quelles que soient les classes en termes de nourriture, de vêtements, d’instruction et de soins. La République prend tout son sens ici. Et enfin il y a cette vision de l’école comme étant un investissement sur l’avenir de la Patrie.

Regardons maintenant où nous en sommes. Les débats sur l’éducation nationale sont-ils vraiment différents de l’époque (hors contexte d’invasions et de soulèvements royalistes ?). Je pense que non. Et puisque je participe à ce plaidoyer républicain, je dis « Vive la vision Robespierriste et Jacobine de l’école ! ».

Arnaud Guvenatam

3 pensées sur “Condorcet et Robespierre : choc frontal sur l’éducation

  1. mangione daniel

    donc quand nous voulons la gratuitée des cantines scolaires nous n'avons que 225 ans de retard sur l'ami du peuple ..... bravo les gars bon boulot ; ça rafraichit les idées , vive la revlution citoyenne !!!!

    Répondre
  2. pitdepit

    Plus de fraternité, Égalité égalité quand tu nous tiens,.....0n peut bien dire adieu liberté !!!!
    Robespierre est un platonicien, un idéaliste, enfermé dans le dogme de sa petite raison qu'il croit universelle, il idolâtre la raison au point de lui vouer un culte ...
    L'idée ne peut pas se tromper, le réel n'a qu'à plier, même s'il faut couper quelques têtes amies, ou les déporter aux goulags, avec la bonne conscience que ça ira, ça ira mieux demain,
    le réel, est different , la réalité est composée de faits parfois têtus qui résistent aux idées même les meilleures
    Condorcet avait vu juste et continue à être pertinent, ce mathématicien rigoureux qui en son temps avait démystifié la pensée magique du jacobin Marat qu'il ridiculisa pour longtemps, ce défenseur inconditionnel de la peine de mort qui lui, refusa de voter la mort du Roi, ce penseur matérialiste indépendant, inventeur du calcul différentiel savait établir des moyennes proportionnelles et ne prenait pas ses désirs pour des réalités. Héritier de Montaigne, penseur du juste milieu, tolérant car adogmatique le féministe et ami des noirs et des juifs j'ai nommé le citoyen Condorcet ami de Sieyes reste me semble t il une lumière qui continue d'eclairer pour longtemps nos institutions.
    A titre d'illustration, dans le domaine de l'enseignement cela donnera, avec les ravages que l'on peut concrètement mesurer, le dogme robespierriste du "collège unique" des maîtres Jobins aveuglés par leur passion de l'égalité. Peu importent les différences et les résultats quand on ne veux voir qu'une tête, qu'un Homme avec un grand H sans vois les personnes, les individus vivants avec leur inaliénable liberté en dépit des constructions idéalistes imposées par force du dogme de la certitude de détenir une vérité et non dans le monde instable qui oscille comme telle une "branloire pérenne" sic Montaigne.

    Répondre
    1. Plaidoyer Républicain

      Auteur de l'article

      Au même titre que la Paix est une construction politique et un combat, l'égalité l'est tout autant. Je ne suis pas convaincu que le Peuple ait dit Adieu à la Liberté, la République a été une avancée considérable par rapport à une royauté où la seule légitimité du souverain était d'être soi-disant le représentant de Dieu sur Terre.

      La décision du Régicide est à remettre dans un contexte politique. Il ne faut pas faire semblant, et être honnête, la République était menacée d'imminentes attaques extérieures.

      Condorcet a été, et ses textes l'illustrent à merveille, une penseur qui a marqué son époque. Et oui, ce n'était pas un tenant de l'égalité. C'est assumé puisqu'il tient dans son raisonnement (et oui il y a le mot raison) le fait que les gens aient des destinées. A titre personnel, j'affirme, et c'est mon point de vue, que la raison est universelle. Car elle se détache des vérités révélées. C'est la raison qui est adogmatique.

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *